Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 75

LA LIBRE RECHERCHE SCIENTIFIQuE

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cet ordre, conservent, au milieu des variétés et des contingences de leur mise en
œuvre, un caractère universel et immuable127.
On s'est demandé, encore, si ces principes pouvaient avoir une valeur objective. Et, trompée par les excès spéculatifs des juristes du xviiie siècle, la science allemande contemporaine allègue, comme un axiome d'évidence, la pure subjectivité
des concepts de droit naturel, pour leur refuser toute autorité positive128. - À vrai
dire, je doute fort, qu'il y ait là, beaucoup puisqu'une simple question de mois,
qu'il suffirait peut-être d'éclaircir, pour la résoudre. En vérité, nous l'avons
constamment reconnu, les principes de justice, dont nous affirmons la nécessité, ne
nous sont révélés que par la raison ou la conscience morale. Et, sous ce rapport, ils
viennent bien de nous. Mais, ces concepts ne sont-ils pas la représentation d'une
réalité supérieure, placée en dehors de nous-mêmes, c'est ce qu'on ne pourrait nier,
que si les manifestations de, la raison et de la conscience restaient purement individuelles, différentes en chacun de nous, et sujettes à varier pour nous-mêmes. Je
consens, qu'en passant à travers l'âme de chacun, les notions, objectives par
essence, s'imprègnent de subjectivité, et que, n'apparaissant, dans la pratique,
qu'adaptées aux éléments variables de la nature des choses positive, elles perdent,
à des yeux peu clairvoyants, leur aspect d'entités supérieures à l'homme et indépendantes tic lui ; de telle façon que, dans leur application plus rapprochée des
faits, elles se présentent sous le manteau de la connaissance subjective. Cette circonstance, pourtant, ne saurait altérer leur nature, qui se dégage d'autant plus
nette, qu'on s'élève au-dessus des faits, pour considérer les principes en eux-mêmes.
Et, si l'on remonte au principe suprême, le principe même de la justice, n'est-on pas
obligé de lui reconnaître un caractère objectif, qui le soustrait à la variété des opinions ? - En définitive, donc, ici encore, le problème semble devoir se résoudre par
une distinction : au fonds même de justice, que la raison nous découvre dans les
rapports humains, nous ne pouvons refuser la valeur objective, sans laquelle il
manquerait de l'absolu qui est de son essence129 ; ce qui ne nous empêche pas de
reconnaître, que la mise en œuvre des principes, qu'il contient en lui, implique,
chez l'interprète, œuvre personnelle et individuelle, dont les résultats derniers se
traduisent nécessairement en points de vue subjectifs, puisant pourtant, par leurs
plus profondes racines, dans ces entités objectives qui en font toute la puissance.
163.  La solution de cette question m'amène à une dernière considération,
touchant le rôle, qu'il convient d'assigner, dans l'interprétation du droit positif, à
ce qu'ou peut appeler le sentiment de l'équité130.
127. Cpr. : Ch. Beudant, op. cit., p. 116 et 117. - A. Boistel, Cours de philosophie du droit. 1899,
n° 29, t. I, p. 45. - Voy., aussi, dans le sens des idées que je développe : Aristote, HΘIKΩN NIKOMAKEIΩN, lib. V, cap. VII. - Et, rappr. la distinction des lois de causation et des lois d'évolution,
d'après G. Tarde, Les transformations du droit, 1893, p. 126-128. - Pour l'immutabilité absolue du
droit naturel, voy. F. Suarez, S. J., De legibus, lib. II, cap. XIII-XIV.
128. Voy. notamment, C. G. Wächter, Württemberg. Privatrecht, t. II, 1842, p. 63. - J. unger,
Œsterreichisches Privatrecht, t. I4, 1876, p. 67. - Windscheid, Lehrbuch des Pandektenrechts, § 23, note
1a, t. I7, p. 58. - H. Dernburg, Pandekten, § 38, in fine, t. I7, 1896, p. 87-88. - E. I. Bekker, Ernst und
Scherz, 1891, passim. - Jacobi, Versprechen und Vertrag, dans : Jherings Jahrbücher, 1896, t. XXXV,
p. 8. - Motive zu dem Entwurfe eines B. G., t. I, 1888, p. 16, in fine. - Cpr. F. Regelsberber, Pandekten,
t. I, 1893, p. 69 et O. Gierke, Deutsches Privatrecht, t. I, 1895, p. 181, in fine.
129. Comp. : L.  Goldschmidt, Handbuch des Handelsrechts, t.  I2, 1874-1875, p.  302. -
F. Regelsberber, Pandekten, t. I, 1893, p. 70, in fine.
130. Les auteurs français ont généralement émis, à ce sujet, des idées excessivement vagues. Voy.
entre autres : Merlin, Rép.  de jurispr., v° Équité. - Toulier, Le droit civil français, t.  I, n°  149. -
Dalloz, Rép. alphab., v° Loi, nos 512-513. - Delamarre et Le Poitvin, Traité de droit commercial, t. I,
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