Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 92

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

entités effectives de notre organisation économique. À ce litre, le jurisconsulte ne
peut s'en désintéresser. Bien plus, il les doit faire fructifier en vue de solutions
juridiques nécessaires.
D'une façon plus générale, dirai-je encore, la jurisprudence positive a,
pour devoir absolu, d'interroger, dans toutes ses manifestations204, l'organisation sociale, dont elle n'est elle-même qu'un élément205. J'entends par là, qu'elle
doit, pour satisfaire à sa mission, et dans la liberté de ses recherches, envisager
tous les éléments de la civilisation actuelle, en tant qu'ils révèlent un état d'équilibre, où surgissent, comme d'elles-mêmes, maintes nécessités juridiques de
l'heure présente206.
Pour pénétrer la portée de ces éléments, il sera nécessaire, d'en scruter les
origines, et de suivre pas à pas toutes les phases de leur évolution. Ici, interviendra
l'histoire, et, plus précisément, toute la tradition de notre droit privé, pour nous
instruire par l'expérience du passé, et mettre au point le moment exact de civilisation, qui doit rester seul décisif (voy. ci-dessus, nos 143-144)207.
204. Sur quelques-unes de ces manifestations, voy. notamment : [O. Gierke, Die soziale Aufgabe
des Privatrechts. Vortrag, 1889.] - E.-I. Bekker, Ernst and Scherz über unsere Wissenschaft, 1892.
p. 191-207. - A. Menger, Le rôle social de la Science du Droit, dans Revue d'économie politique, 1896,
t. X, notamment, p. 68, p. 70-74. - Goblet d'Alviella, Du devoir social des générations nouvelles, dans
Revue de l'Université de Bruxelles, 1897-1898, t. III, p. 81-102. - É. Faguet, Que sera le xxe siècle ?
dans : Questions politiques, 1899, p. 245-336. - A. Fouillée, Le progrès social en France, dans Revue
des deux-mondes, n° du 15 juin 1899, t. CLIII, p. 815-843. [- Ch. Robert, L'œuvre de la jurisprudence
dans le domaine des questions sociales. Discours de rentrée de la Conférence des Avocats au Conseil
d'État et à la Cour de Cassation, 1899. - G. Morin, L'individualisme de la Révolution, française et du
Code civil et la structure nouvelle de la vie économique, dans Revue de métaphysique et de morale, 1917,
t. XXIV, p. 517-568.]
205. Cpr., ici, G. Bouglé (Qu'est-ce que la Sociologie ?), dans Revue de Paris, août 1897, 4e année,
t. IV, p. 552 : « Ce n'est pas la découverte de la vapeur, en soi, qui a entraîné toutes les transformations
sociales, qu'on dit être les conséquences du machinisme : cette découverte a été, de par le droit établi,
exploitée dans certaines conditions, par exemple au profit des possesseurs de capitaux : voilà ce qui a
déterminé telles ou telles transformations des rapports entre classes. Elles eussent été tout autres si le
droit établi eût été différent. Ainsi, bien loin de n'être que des conséquences, des dérivées, des catégories
économiques, les catégories juridiques leur préexistent, et leur mouvement n'obéit pas toujours aux
seuls intérêts matériels ; les idées sont capables de les diriger ». Et, plus loin, p. 553 : « ... D'importants
mouvements économiques ont pu correspondre à l'émancipation des esclaves : il n'en est pas moins
vrai qu'en cette matière le dernier mot est resté et reste aujourd'hui à la conscience ». - Voy. aussi :
E. I. Bekker, Ernst und Scherz über unsere Wissenschaft, 1892, p. 159. - Adde Windscheid, Lehrbuch
des Pandektenrechts, §  29, note  1, t.  I7, 1891. p.  67 : « ... und beruht nicht alles Recht darauf, wie
gerade dieses Volk die Principien der Sittlichkeit und die Bedürfnisse der öffentlichen und privaten
Wohlfahrt erfaszt und rechtlich verwerthet ? ». - Comp., encore, sur la mise en œuvre, juridique, des
desiderata sociaux de l'heure actuelle, par le nouveau Code civil allemand : F. Endemann, Einführung
ind as Studium des B. G., § 1, II, 3 et III, t. I5, 1899, p. 5-9. Adde p. 26. - Enfin, d'un point de vue plus
général, sur la place du droit, parmi les éléments fonctionnels de la vie sociale, voy. O.  Gierke,
Deutsches Privatrecht, § 15, II, 9, t. I, 1895, p. 122.
206. Si l'on contestait le caractère objectif de ces éléments de notre civilisation, je renverrais à
l'étude, si pénétrante, dans laquelle E. Bartin a dégagé une notion de l'ordre public international,
basée sur l'idée de communauté internationale, soit d'après le degré général de civilisation, soit d'après
l'esprit des lois civiles, des divers pays. Voy. E.  Bartin, Études de droit international privée, 1899,
p. 189-248 ; notamment, p. 217-235, p. 265. - L'application de cette théorie implique la possibilité de
déterminer ces éléments.
207. Voy. A. Sorel, Discours de Lille, le 3 novembre 1897, dans Revue internationale de l'enseignement, 1897-2°, t. XXXIV, p. 388-397. [- Adde J. W. Hedemann, Die Fortschritte des Zivilrechts im XIX Jahrhundert.  Ein ueberblick über die Entfaltung des Privatrechts in Deutschland,
Œsterreich, Frankreich und der Schweiz. Erster Teil. Die Neuordnung des Verkehrsleben. Berlin,
C. Heymann, 1910].
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