Contextes - Le travail dans son droit - 100

LE TRAVAIL DANS SoN DRoIT

permanents, et ce sont des travaux qui seront ensuite repris en collaboration
avec les instituts du travail : Strasbourg, Paris... »69

b. Collaborer avec des professionnels du droit
Mais ces syndicalistes juristes se donnent aussi un autre rôle, qui consiste
à se faire les médiateurs entre le monde du travail et les professionnels
du droit, en l'occurrence les avocats et quelques professeurs de droit.
Contrairement à la période suivante, ces derniers sont très peu nombreux
à intégrer cet espace et n'ont souvent pas de lien avec le champ syndical.
Gérard Lyon-Caen constitue l'exception qui confirme la règle, avec une
autre figure beaucoup plus hétérodoxe, celle de Marcel Piquemal70. Ces
deux professeurs se retrouvent un certain temps (jusqu'en 1956 pour
Gérard Lyon-Caen puisqu'il rompt avec le Parti communiste et d'une
certaine manière avec la CGT en 1956) dans le comité de rédaction du
Droit ouvrier. Dès cette époque, mais plus encore à partir des années 1970,
ce périodique prend la forme d'une revue juridique s'adressant en réalité
beaucoup plus aux agents du champ académique ou aux praticiens du droit
qu'aux militants. Les articles de doctrine y occupent une place croissante,
et ils sont surtout rédigés par des avocats, qui y trouvent un lieu leur
permettant une prise de position - certes militante mais aussi très armée
juridiquement - dans l'espace de la doctrine.
La production et l'entretien de liens avec les avocats constituent dont
une activité importante au sein des services juridiques des syndicats. Il
s'agit d'abord d'établir des liens privilégiés avec certains avocats, devenus
les conseils habituels de certaines fédérations ou des confédérations, liens
qui deviennent parfois quasiment de subordination, non pas au sens où les
avocats deviendraient de véritables salariés, mais parce qu'ils en tirent la
plupart de leurs revenus. Grâce à Francis Saramito, nous avons surtout des
informations en ce sens sur la CGT, Jean-Paul Murcier ayant été peu disert
69. Entretien avec Jean-Paul Murcier du 3 décembre 2002.
70. Dans l'entretien qu'il m'a accordé, Francis Saramito revenait ainsi sur cette étonnante
figure : « Il était professeur de droit. Il était à la retraite, lui. Pendant un moment, il était
permanent de la CGT. Si vous voulez, il a fait une carrière qu'il a débutée... sa famille était
une famille de syndicalistes, dans le même milieu que mon père ; mon père connaissait
d'ailleurs bien son oncle, un militant syndicaliste révolutionnaire de la direction des impôts.
Ils se connaissaient bien, oui. Quand moi, j'ai connu Piquemal, il était à la questure de
l'Union française. Puis il est devenu permanent à la CGT. Et en même temps, il a essayé de
mettre en œuvre une carrière d'enseignant dans le droit. Alors il a passé l'agrégation, où il
a été un peu protégé parce que sous l'influence de Marcel David, on n'a pas voulu montrer
de discrimination à l'égard de la CGT. Il a été agrégé un peu par ces moyens-là. Et donc il
a été professeur de droit à Dijon. Et là, il a été suivi par sa fille, qui est professeur de droit
à Caen. Alors, Piquemal a été 5-6 ans à la CGT. » Ce type de circulation est néanmoins, au
moins à cette époque, tout à fait exceptionnel.

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