Contextes - Le travail dans son droit - 113

UNE « CoNCEPTIoN oFFENSIVE DU DRoIT DU TRAVAIL »

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2. L'émergence d'une nouvelle cause : la santé au travail
Une deuxième spécificité de cette époque réside dans la prise en compte
des questions de conditions de travail et de santé des travailleurs. on se
rappelle que le cadre juridique s'est structuré en 1942, puis en 1946 avec la
médecine du travail. Lors des grèves déclenchées en 1968 et dans les années
qui suivent, nombre de revendications renvoyaient, en plus du salaire, à la
lutte contre la dureté des conditions de travail et la mise en danger du corps
des travailleurs24. De même, à partir du milieu des années 1970, la question
de l'amiante devient susceptible d'une préoccupation publique, même si le
fait que soient touchés surtout des ouvriers tend à ralentir la construction
de cette question en problème public25. Cependant, la prise en compte de
cet enjeu ne doit sans doute pas seulement aux mouvements sociaux, mais
aussi à l'émergence d'une législation européenne sur la question. on sait
que l'Europe a toujours été très frileuse concernant les droits sociaux, et
qu'elle a restreint son domaine d'action aux questions de conditions de
travail et de santé au travail. En 1974, le Conseil européen décide de la
création, dans les entreprises européennes, d'un comité consultatif pour
la sécurité, l'hygiène et la protection de la santé sur le lieu de travail. En
1978, une résolution est adoptée par le Conseil pour la constitution d'un
programme d'action en matière de sécurité et de santé au travail. Enfin, en
1980 puis en 1982, des directives sont adoptées concernant la protection
des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents chimiques,
physiques et biologiques, puis au plomb.
Dès lors, toute une série de réformes mettent en œuvre un véritable
dispositif de prévention des accidents de travail et des maladies professionnelles, et plus largement d'amélioration des conditions de travail. Trois
étapes importantes peuvent être marquées. Première étape : une loi de
décembre 1973 crée des comités d'hygiène et de sécurité dans les entreprises
de plus de 300 salariés ; le chef d'entreprise rédige chaque année un rapport
sur les actions menées et à venir concernant cette question ; enfin, une
Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT)
est instaurée, ainsi qu'un réseau d'agences régionales (ARACT). Cette
agence et ses déclinaisons régionales sont paritaires et ont pour fonction
d'étudier les conditions de travail au sein des entreprises. Une deuxième
24. X. Vigna cite ainsi certaines revendications du personnel de l'usine Penarroya de
Lyon lors d'une grève en décembre 1971 : vingt-deux points sont mentionnés, dont ceux-ci
sur la santé : « Pour notre santé : des engagements précis pour que les postes de travail
soient équipés au plus tôt de systèmes de sécurité et d'aération protégeant la santé des
ouvriers aux trois ateliers du plomb, de l'aluminium, et du bronze. » Cité par X. Vigna,
L'insubordination ouvrière dans les années 68, op. cit., p. 161.
25. E. Henry, Amiante : un scandale improbable : Sociologie d'un problème public, Rennes,
Presses universitaires de Rennes, 2015, 308 p.

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