Contextes - Le travail dans son droit - 120

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LE TRAVAIL DANS SoN DRoIT

qu'ils participent activement à sa légitimation académique et à l'imposition
de son autorité. Dans ce cadre, une attention particulière doit être portée
à Guillaume Camerlynck (cf. encadré 22), qui fait certes figure de grand
aîné dans ce monde en émergence (il est né en 1905 et a soutenu en 1929 sa
thèse sur les liens entre droit pénal et droit civil), mais dont le rôle structurant dans la discipline est incontestable. Bien après les premiers cours
qu'il publie, en 1958, il est l'auteur, avec Gérard Lyon-Caen, du premier
Précis chez Dalloz et l'architecte du Traité de droit du travail, qui, de 1966
à 1978, va être publié en huit volumes, et dont les auteurs sont tous au
cœur de l'institutionnalisation de la discipline. Ainsi, ce travail de structuration et d'institutionnalisation académiques se donne particulièrement
bien à voir dans nombre de textes, dans lesquels les auteurs contribuent
à définir le droit du travail et à en consolider le succès à travers un travail
de mise en place de la doctrine, qui est bien entendu la raison d'être du
travail d'écriture en droit. Toutes les matières juridiques donnent lieu au
même type d'activité de légitimation de et par la doctrine. Mais l'intérêt
tient ici au fait que le caractère novateur du droit du travail et l'hétérodoxie
de certains de ses promoteurs contribuent à mieux visibiliser cet aspect de
valorisation symbolique par la doctrine. Pour que le droit du travail puisse
se développer et prospérer, il faut donc une doctrine, et par conséquent
des concepts, des disputes académiques, toutes choses qui épurent le droit
du travail et le font sortir de la gangue de la vie quotidienne dont il est
pourtant issu, et à laquelle il est d'ailleurs parfois ramené.
C'est ce que dit particulièrement bien Gérard Lyon-Caen dans le texte
qu'il donne pour les Mélanges Camerlynck : « L'avenir de la doctrine en
Droit du travail est probablement lié à la recherche des concepts-clefs qui
fournissent l'explication de plusieurs décisions apparemment sans lien
et serviront à en justifier d'autres, - ou mieux : à la recherche de directives latentes, pas toujours exprimées dans les textes ni dans les arrêts, qui
n'existent qu'entre les lignes, mais qui permettent de violer le secret du
délibéré ou le secret administratif, comme le mot d'esprit permet de pénétrer
dans l'inconscient. Une sorte d'anti-exégèse ou de Droit non dit. »31

Il s'agit donc pour ces auteurs de faire émerger les « principes généraux
du droit du travail » pour lui donner sa force et son autonomie ; mais dans
le même temps, il ne faut jamais être dupe de cette entreprise de légitimation et il faut sans cesse appeler à la fonction critique de ce domaine du
droit et à son aspect potentiellement subversif de dévoilement des rapports
de domination. Bref, ne jamais oublier ce que l'on a appelé les profits
31. G. Lyon-Caen, « Les principes généraux du droit du travail », in Tendances du droit
du travail français contemporain. Études offertes à G.H. Camerlynck, Paris, Dalloz, 1978,
p. 45 (souligné par l'auteur).

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