Contextes - Le travail dans son droit - 127

UNE « CoNCEPTIoN oFFENSIVE DU DRoIT DU TRAVAIL »

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III - STRATÉGIES JUDICIAIRES
ET « CONFLITS DES LOGIQUES »
La participation du travail juridique et judiciaire des organisations
syndicales dans la défense des salariés dans les années 1970 est aujourd'hui
connue, grâce aux travaux de la fin des années 1970 et aux débuts des
années 198047 comme au fait qu'une bonne partie des acteurs de ce syndicalisme juridique de l'époque - et en premier lieu les avocats du Syndicat
des avocats de France (SAF) - occupent aujourd'hui des positions qui les
autorisent à faire eux-mêmes la théorie de leur propre engagement passé
et présent. Quoi qu'il en soit, cette période est d'abord marquée par un
rapprochement entre les différents milieux professionnels et militants qui
ont jusque-là été très distincts, en particulier entre les représentants des
organisations syndicales et les professionnels du droit, notamment les
avocats et dans une moindre mesure les magistrats. Le lien avec le champ
académique est moins visible, même s'il existe à travers certaines individualités, et il se matérialise à travers les comités de rédaction des revues
ainsi que dans certains colloques.
Concernant les avocats, les liens sont à la fois professionnels et militants, et c'est ce qui leur donne tout à la fois leur force et leur ambiguïté.
En 1973 est créé le Syndicat des avocats de France (SAF), réunissant des
avocats membres ou simplement sympathisants du Parti socialiste, du Parti
communiste français ou de mouvements d'extrême gauche. Comme l'écrit
Jean-Philippe Tonneau, le droit du travail devient très rapidement « l'épine
dorsale » du SAF48, et les liens sont d'une manière inextricable tout à la fois
politiques et professionnels49. Les avocats du SAF sont en lien constant
47. Cette section s'appuie notamment sur le remarquable livre d'Alain Supiot, analyse
extrêmement informée de l'ensemble de ces questions : cf. A. Supiot, Les Juridictions du
travail, op. cit. La particularité d'Alain Supiot, à l'époque où il publie le traité, est sa grande
proximité avec des sociologues et son goût de l'interdisciplinarité, qui font parfois de ce
livre - qui est en réalité le tome 9 du Traité de droit du travail dirigé par G.-H. Camerlynck
- presque autant un traité doctrinal qu'un ouvrage d'enquête sur ce milieu du droit du
travail que nous restituons dans cet ouvrage. À noter d'ailleurs que dans les mêmes années,
A. Supiot publie avec ses collègues sociologues de Nantes un livre collectif sur ce monde
du droit du travail à Nantes au tournant des années 1980 : P. Cam et A. Supiot (dir.), Les
dédales du droit social, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques,
1986, 198 p.
48. J.-P. Tonneau, Le syndicat des avocats de France (1972-2012) : contribution à une sociohistoire du militantisme syndical dans le champ judiciaire, Thèse de doctorat de sociologie,
Université de Nantes, 2014, p. 609.
49. Pour une analyse des relations entre engagement politique, engagement professionnel
et constitution de clientèles de ces avocats, cf. L. Willemez, « Engagement professionnel et
fidélités militantes. Les avocats travaillistes dans la défense judiciaire des salariés », Politix,
2003, no 62, p. 145-164.

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