Contextes - Le travail dans son droit - 130

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LE TRAVAIL DANS SoN DRoIT

de la confédération. Ce travail de production d'une ligne politique concernant le droit aboutit à la formalisation d'une stratégie, aujourd'hui encore
souvent reprise par les acteurs de l'époque - avocats ou syndicalistes - ayant
vécu cette période : le « conflit des logiques ». Plusieurs textes viennent
expliciter ce mot d'ordre.
Dans une note de juillet 1974, le service juridique confédéral explicite
« les besoins de la CFDT dans le domaine juridique »54 : au-delà de la défense
individuelle des adhérents et des travailleurs dans le domaine du droit
du travail, qui est « ancienne » et doit être réformée dans le sens d'une
« coordination des expériences vécues par les avocats qui se spécialiseraient
dans ce genre de problème », la nécessité de l'intervention judiciaire se fait
tout particulièrement pressante pour ce qui est de la « protection du droit
syndical et du droit de grève ». En ces domaines, « l'objectif poursuivi et
la procédure choisie s'insèrent dans une stratégie judiciaire plus globale
qui recherche l'élargissement des libertés syndicales par l'élaboration de
nouveaux concepts et de nouveaux principes d'interprétation du droit du
travail ». De même, dans un article intitulé « La stratégie judiciaire de la
CFDT. Une stratégie pour les temps où la droite est au pouvoir »55, le
rédacteur résume « le conflit des logiques », en expliquant qu'
« on ne peut espérer de changements très significatifs dans le contenu
de la législation sociale [...] Le terrain judiciaire apparaît alors comme un
terrain où il est utile de se battre, ne serait-ce que pour obtenir une application complète des droits des travailleurs et des travailleuses. Mais qui plus
est, cette bataille pour l'application du droit permet de faire surgir des droits
nouveaux [...] Ce que ni les pouvoirs publics ni le patronat ne veulent faire,
les juges peuvent être amenés, sous la contrainte du vécu quotidien et de
l'évolution des rapports de force, à le décider. »

Alain Supiot montre très bien les implications du « conflit des logiques »,
qui consiste au final à prétendre que « les conflits de logique juridique
seraient des conflits de classe ». C'est pourquoi la CFDT veut faire sortir
le droit de la logique prud'homale pour aller vers des actions pénales,
censées mieux défendre et mieux représenter « le vécu des travailleurs »,
pour reprendre les termes des textes de la CFDT56. Cette position idéologique est d'abord incontestablement une option stratégique à deux niveaux :
d'abord parce que les prud'hommes sont très majoritairement tenus par la
CGT et que la CFDT y reste fortement minoritaire ; ensuite parce qu'elle
convient particulièrement bien aux nouvelles organisations syndicales des
54. Document fourni par l'avocate poitevine Simone Brunet, figure tutélaire du SAF et
proche de la CFDT dans les années 1970.
55. Action juridique CFDT, n° 4, juill.-août 1978.
56. A. Supiot, Les Juridictions du travail, op. cit., p. 92-93.

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