Contextes - Le travail dans son droit - 183

LA MISE EN CRISE DU DRoIT DU TRAVAIL

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des cas de discrimination. Les historiens et les sociologues ont désormais
mis en évidence un grand nombre d'actions juridiques et judiciaires mis
en œuvre par les syndicats. En donnant quelques exemples, l'intérêt est
de montrer combien cette activité est reliée aux formes plus classiques de
l'action syndicale, qu'il s'agisse des grèves ou des négociations.
Jérôme Pélisse analyse ainsi, dans le cas des négociations sur la RTT au
sein des entreprises, l'importance du maniement du droit par les organisations syndicales après les lois Aubry et plus encore la loi Fillon de 2004
qui confie à la négociation collective l'organisation du temps de travail85.
Celui-ci passe par plusieurs canaux. En premier lieu le contact avec des
professionnels du droit habitués à utiliser le droit dans leur activité : avocats,
inspecteurs du travail, consultants en organisation qui deviennent de véritables conseillers juridiques86. Ce sont les directions d'entreprises qui font
largement appel à ces acteurs pour réfléchir à l'organisation de l'entreprise
en cas de modification du temps de travail ou de rédaction d'un accord
d'entreprise sur ce thème. Il est bien évident que cela contribue à la juridicisation de l'action syndicale dans ces entreprises : c'est en effet à partir du
cadre juridique posé par ces professionnels que les syndicats doivent réagir,
proposer des alternatives, en sollicitant à leur tour des juristes proches
d'eux. Jérôme Pélisse montre ainsi comment « les négociations conduisent
à un véritable "travail juridique" permettant de formaliser, par la confrontation d'acteurs aux intérêts antagonistes, un ensemble de règles équipant
leurs actions, ouvrant sur le changement et son éventuelle contestation »87.
Il est particulièrement pertinent de mettre en exergue que le droit peut
être cette instance de production de catégories sociocognitives utilisées (et
devant être utilisées) par les organisations syndicales pour faire valoir les
droits des salariés et agir dans la négociation en utilisant les mêmes outils
que leurs partenaires-adversaires. L'activité juridique des syndicalistes, que
ce soit au niveau de l'entreprise, au niveau local ou à celui des fédérations
et des confédérations, a un double effet : elle permet d'une part de légitimer
leur action en excipant les preuves de leur expertise juridiques ; et d'autre
part, dans la perspective ouverte dans les années 1970 d'une action de transformation des règles par l'action même sur le droit, d'ouvrir des espaces au
sein même des textes et de se donner des marges de négociation collective.
L'action syndicale concernant les plans sociaux illustre les potentialités
et les enjeux propres à l'action juridique et judiciaire des syndicats. Comme
on l'a vu dans la première partie de ce chapitre, la loi de 1986 supprimant
l'autorisation administrative de licenciement a redonné un espace d'action
85. J. Pélisse, À la recherche du temps gagné, op. cit.
86. Ibid., p. 308.
87. Ibid., p. 240.

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