Précis Domat - Droit privé allemand - 2e - 409

L'INSOLVABILITÉ

796

Le sort des actes de la période suspecte. À l'égard des actes effectués immédiatement avant l'ouverture de la procédure pour insolvabilité, l'administrateur
judiciaire a le droit de déclarer unilatéralement sans effet ceux d'entre eux qui ont
eu pour effet d'appauvrir le débiteur sans raison évidente, ce qui correspond en
droit français à la demande d'annulation de certains actes de la période suspecte
(Insolvenzanfechtung).
Comme en droit français, cette période suspecte est d'une durée variable selon
les actes visés par la loi, mais, dans l'ensemble, elle est plus longue qu'en droit
français. En effet, elle va d'un mois (constitution de sûreté) à quatre ans (libéralité),
voire dix ans (acte visant à nuire aux créanciers) avant la demande d'ouverture
(§ 130 à 147 InsO). La réforme de 1994-1999 a d'ailleurs visé à multiplier les cas
où l'administrateur peut faire tomber un engagement suspect dans le but d'accroître
la masse des biens à partager ; mais il ne semble pas que les premières années d'application de la nouvelle loi aient vu de grands progrès dans cette direction.

797

Le sort des contrats en cours. À l'égard des contrats encore en cours
(schwebende Rechtsverhältnisse), l'administrateur a, comme en droit français, une
option. Soit, il exige l'exécution du contrat, quitte à en payer le prix ou à effectuer
les contre-prestations prévues. Soit, il renonce à l'exécution du contrat et, dans ce
cas, il devra verser des dommages-intérêts au partenaire du débiteur ; en outre, ce
dernier a le droit de le mettre en demeure d'exercer son droit d'option sans délai
(§ 103 InsO)6.
Ces dispositions n'ont pas été interprétées de la même façon par la Cour fédérale de justice avant et après le revirement de jurisprudence des années 2001
et 20027. Alors que le contrat en cours était considéré autrefois comme formant
un tout et, en conséquence, comme un contrat antérieur à l'ouverture de la procédure d'insolvabilité, il est désormais considéré comme divisible : la partie du
contrat qui a été exécutée avant l'ouverture de la procédure est considérée comme
conférant à la masse une créance qui doit être honorée en priorité
(Masseverbindlichkeit)8 et seule la partie du contrat qui a été exécutée après
l'ouverture de la procédure est traitée comme une créance ne donnant droit qu'à
une quote-part chaque fois que la masse des biens restants est insuffisante pour
satisfaire entièrement les créanciers (ce qui est le cas le plus fréquent).
Ces règles générales souffrent un certain nombre d'exceptions. Par exemple, s'il
s'agit d'un bail, l'administrateur a le droit de le résilier pour l'avenir en respectant
seulement le délai légal de préavis (§ 109 InsO) ; mais le bailleur ne peut pas

■

6. § 103 InsO : « (1) Lorsqu'au jour de l'ouverture de la procédure d'insolvabilité, un contrat synallagmatique n'a pas été exécuté ou l'a été incomplètement, l'administrateur de l'insolvabilité peut exécuter le
contrat à la place du débiteur et exiger de l'autre partie qu'il l'exécute. (2) Si l'administrateur renonce à
l'exécution du contrat, l'autre partie ne peut faire valoir une prétention fondée sur l'inexécution du contrat
qu'en qualité de créancier de la personne insolvable. Si l'autre partie exige de l'administrateur judiciaire
qu'il déclare sans délai s'il veut exécuter le contrat, il ne peut pas en réclamer l'exécution ».
7. BGH, 22 févr. 2001, réf. IX ZR 191/98, BGHZ 147, p. 28 ; 25 avr. 2002, réf. IX ZR 313/99, BGHZ
150, p. 353.
8. § 55 al. 1er InsO : « Les créances réservées aux créanciers privilégiés sont en outre les créances [...] 2.
résultant de contrats synallagmatiques dont l'exécution a été exigée au profit des créanciers privilégiés ou
qui doit avoir lieu postérieurement à l'ouverture de la procédure d'insolvabilité ».

■
■

Deuxième partie : Le droit allemand de l'entreprise

409
Table des matières de la publication Précis Domat - Droit privé allemand - 2e
