Précis Domat - Droit privé allemand - 2e - 434

DROIT PRIVÉ ALLEMAND

tout abus de droit au sens large du terme nous semble jouer également un rôle correcteur et l'on peut même se demander si la conception française de la cause n'est
pas une version restrictive (pour ne pas dire simplificatrice) de la bonne foi. Enfin
n'oublions pas que l'enrichissement injustifié a quelque parenté avec la théorie de
la cause.
Quant aux règles relatives aux clauses prérédigées, nous avons vu que le droit
allemand était parti de préoccupations pratiquement opposées à celles du droit français. Alors que le droit français visait exclusivement à protéger le consommateur et
ainsi à pallier partiellement l'absence de sanction en cas de lésion, le droit allemand
a entendu considérer que les clauses rédigées étaient presque assimilables à des
règles privées et qu'elles devaient être éliminées de façon générale dès lors qu'elles
n'apparaissaient pas conformes à des relations d'affaires correctes ; cette différence
de perspective explique que le droit des clauses prérédigées protège aussi les professionnels et que les demandes de cessation de l'usage de telles clauses puissent
émaner tant d'associations de défense des consommateurs que d'associations de
professionnels et donc de concurrents. La difficulté majeure soulevée par l'application de cette législation aux professionnels est évidemment le conflit possible entre
les conditions générales des deux professionnels ayant contracté ensemble sans
renoncer à leurs propres conditions générales.
841

L'originalité du droit de l'exécution des contrats. Nous n'insisterons pas non
plus ici sur le fait que les règles allemandes relatives à l'inexécution valent non
seulement pour l'inexécution d'un contrat, mais encore pour l'inexécution de
toute obligation (contractuelle, délictuelle, légale). Car il s'agit là plus d'une différence de présentation que de fond.
Depuis la grande réforme du droit des obligations de 2001, l'originalité du droit
allemand concerne surtout les trois points suivants : le principe de bonne foi, le rôle
important de l'impossibilité d'exécution (Unmöglichkeit) et l'unilatéralisme des
sanctions d'une inexécution.
La notion de bonne foi est bien mentionnée dans le Code civil français dans des
termes équivalents à ceux employés par le code allemand. Mais, pendant longtemps, les juges français n'ont guère appliqué la règle alors que le juge allemand
lui a donné très tôt une grande portée : non seulement, cette règle permet au juge
d'orienter l'interprétation du contrat comme l'exige la bonne foi, mais encore elle
permet parfois même de corriger ou de rééquilibrer le contrat afin que soit respectée
l'équité. Cette règle est d'autant plus nécessaire en droit allemand que les autres
règles relatives à l'inexécution sont plutôt plus sévères pour le débiteur qu'en
droit français (par exemple, le juge ne peut pas accorder un délai de grâce).
Le droit allemand réglemente avec un luxe de détails les cas de l'impossibilité
d'exécution que le Code civil français ne fait que mentionner et que la doctrine française appréhende à travers la théorie des risques. Le § 275 BGB offre aux parties un
dispositif de règles complètes qui différencient en fonction des causes et du degré
d'impossibilité, au prix d'une certaine déformation de la notion d'inexécution.
Le créancier qui n'obtient pas satisfaction du fait que le débiteur ne peut ou ne
veut pas exécuter la prestation due dispose d'un véritable pouvoir unilatéral de
résolution, ce qui tranche avec la position traditionnelle du droit français où le
créancier était pendant longtemps obligé de s'adresser au juge. Si la réforme du
434
Table des matières de la publication Précis Domat - Droit privé allemand - 2e
