Contextes - Penser l'ordre juridique médiéval et moderne - 157

COMPRENDRE LE FAIT COUTUMIER

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villages, cela d'autant plus qu'il s'étalait en dehors, ou aussi bien en dessous,
des coutumes régionales et que cela se retrouve dans les pays de droit
écrit comme dans les pays de coutumes. Il y avait ainsi dans l'ordonnancement juridique un large substrat coutumier dont la portée était essentielle
puisqu'il régissait la vie de la plus grande partie de la population. Certes
une plus large connaissance de ces sources demandera encore de longs
dépouillements, mais les progrès dans ce sens sont déjà importants.
Une première remarque s'impose ici : ces coutumes locales de moindre
portée étaient tout autant que les coutumes régionales soumises à l'attraction
de l'expression écrite. La cause pourrait en résider dans la nature elle-même
de la coutume en tant que règle de droit orale et par là évolutive. En effet,
ce dernier caractère pouvait en même temps susciter la crainte que des
éléments de la coutume s'effacent, ne serait-ce que par désuétude, dès lors,
pour s'en tenir à cet exemple, qu'il s'agissait d'avantages fiscaux ou autres
reconnus par le seigneur du lieu. D'où la recherche de la pérennité de la
coutume par la transcription. Il fallait alors faire appel à des juristes, mais,
pour un certain nombre d'entre eux, ces derniers intervenaient aussi avec
leur savoir, c'est-à-dire leur culture juridique6. Beaucoup de coutumes
urbaines et même villageoises ont été ainsi rédigées dans l'ensemble du
royaume, y compris très tôt dans les pays de droit écrit ; il suffit de rappeler
le nombre et l'importance des coutumes urbaines méridionales rédigées
entre les xiie et xve siècles7. D'une manière générale, on faisait alors appel à
des juristes et, plus encore, s'est créée ainsi une véritable fonction spécialisée de rédacteurs de coutumes qui transcrivaient ainsi les usages d'une
ville, d'un village ou d'une seigneurie. Ainsi en était-il des « commissaires
à terriers ». Au-delà du cadre du censier, les rédacteurs y transcrivaient
également assez souvent des usages, rites ou normes en vigueur dans la
communauté rurale8.
Ces rédactions n'en écartaient pas pour autant toute évolution des usages.
Dès lors en même temps que l'écriture le recours à la révision du texte de
la coutume s'est introduit et cette pratique a même atteint des coutumes
villageoises de portée fort modeste. Mais en même temps, non seulement
on a procédé à des révisions de coutumes de portée plus vaste, mais on a
suivi des procédures apparemment calquées sur celles de grandes coutumes
régionales. Ainsi en a-t-il été pour les Coutumes générales du bailliage de
6. Sur cette question, est très important l'apport du colloque Le juriste et la coutume
du Moyen Âge au Code civil, op. cit.
7. J.-M. Carbasse, « Bibliographie des coutumes méridionales (catalogue des textes
édités) », Recueil de mémoires et travaux publié par la société d'histoire du droit et des
institutions des anciens pays de droit écrit, t. 10, 1979, p. 7-89.
8. J. Bart, « Les commissaires à terrier, rédacteurs de coutumes », in Le juriste et la
coutume du Moyen Âge au Code civil, op. cit., p. 171-184.

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