Contextes - Penser l'ordre juridique médiéval et moderne - 174

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LES MÉTACONCEPTS

positivistes. Kelsen, par exemple, définit le droit comme un ordre immanent
de contrainte et cette définition vaut aussi bien pour les systèmes juridiques
étatiques, le droit international, le droit féodal ou celui des sociétés primitives. Elle a en réalité pour fonction principale de permettre une distinction
entre ordres normatifs et d'opposer le droit à la morale ou à la religion, qui
ne repose pas sur une contrainte immanente. Cependant, si l'on cherche une
définition reposant sur les principales caractéristiques du système juridique,
il faut prendre pour critère l'existence d'une hiérarchie à la fois statique et
dynamique, mais alors cette définition n'aura aucun caractère universel, car
tous les systèmes couramment appelés juridiques ne sont pas structurés de
cette manière. C'est en effet seulement à la fin du xvie et au xviie siècle que
l'on rencontre une hiérarchie correspondant à ce modèle.
Et c'est aussi vers cette époque que les gouvernants emploient le terme
d'État pour désigner à la fois le pays et l'ensemble des autorités centrales,
précisément parce qu'elles occupent le sommet de la hiérarchie des normes
et que les individus qui en font partie doivent affirmer qu'ils agissent non
pas en vue de leur intérêt personnel, mais au profit d'un être distinct8.

B. La souveraineté
De même, la souveraineté est un concept nécessaire dans un système
de hiérarchie des normes. On sait que le terme a plusieurs significations.
Ainsi, Carré de Malberg en distingue trois :
« Dans son sens originaire, [le mot souveraineté] désigne le caractère
suprême de la puissance étatique. Dans une seconde acception, il désigne
l'ensemble des pouvoirs compris dans la puissance d'État, et il est par suite
synonyme de cette dernière. Enfin, il sert à caractériser la position qu'occupe
dans l'État le titulaire suprême de la puissance étatique et ici la souveraineté
est identifiée avec la puissance de l'organe »9.

Carré de Malberg souligne que ces trois significations correspondent à
trois termes différents dans la langue allemande, Souveränität, la souveraineté dans le premier sens, c'est-à-dire le caractère suprême de l'État
aussi bien sur le plan interne que sur le plan international, Staatsgewalt,
la puissance d'État ou souveraineté dans le second sens, et Herrschaft ou
8. Tel est précisément le propos de Machiavel, voir Ph. Bobbitt, Garments of Court
and Palace: Machiavelli and the World That He Made, New York, Atlantic Monthly Press,
2013 et le compte rendu de q. Skinner, « What should you learn from Machiavelli ? »,
NYRB, 18 juin 2014, p. 50 et s.
9. R. Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l'État, Paris, Sirey,
1920, réimpr. Paris, CNRS, 1962, t. I., p. 79.

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