Contextes - Penser l'ordre juridique médiéval et moderne - 190

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LES MÉTACONCEPTS

pas perçue37. Elle nous paraît combiner les apports de Hart et de Searle en
distinguant règles de reconnaissance, qui permettent d'affirmer la présence
d'un droit ou d'un ordre juridique, et règles constitutives, fonctionnant
pour rendre le système juridique opératoire (comme un jeu ne peut être
joué sans un accord entre les joueurs sur les règles de ce jeu).

II - LA RECHERCHE DE CHANGEMENTS
RÉVOLUTIONNAIRES DANS LES RÈGLES
CONSTITUTIVES AUX TEMPS MODERNES
Nous nous interrogeons, dans un second temps, sur l'usage de la
notion de « règles constitutives » pour caractériser des périodes de
bouleversements profonds qui, aux Temps modernes, auraient pu voir
le remplacement d'anciennes règles constitutives par de nouvelles. Le
principal problème pour les historiens du droit nous paraît ici celui qu'on
appelle l'État moderne, depuis un article de Lucien Febvre en 1935 paru
dans l'Encyclopédie française38. Il existe un relatif consensus historique
pour identifier la naissance de cet État moderne au xvie et au xviie siècle
autour de la formation d'un appareil bureaucratique, militaire et fiscal
d'une ampleur nouvelle par rapport aux derniers siècles du Moyen Âge.
Les historiens du droit n'ont pas de réticence à adopter ce schéma et,
dans le mouvement de regain des études sur la genèse de l'État au cours
des années 1980 et 1990 sous la houlette de Jean-Philippe Genêt, Albert
Rigaudière et Jacques Krynen ont apporté des contributions majeures
sur les racines médiévales de l'État moderne39. Il n'en reste pas moins un
certain déficit pour identifier les marques juridiques du passage à l'État
moderne. Si l'on considère que le roi de France est souverain, empereur
en son royaume, législateur autant que juge depuis Philippe le Bel, en quoi
consiste le « saut qualitatif ou quantitatif » caractérisant le passage à l'État
moderne sous François Ier ou sous Louis XIv ? Faut-il abandonner l'idée
37. Th. Mommsen, Le droit public romain, trad. fr. P.-F. Girard, Paris, E. Thorin, 1896,
vol. 5 sur le Principat, préface de la 2e édition, p. 11 dans laquelle Mommsen oppose cette
« constitution » aux déformations tardives d'Appien et Dion Cassius.
38. G. Gemelli, « Lucien Febvre et la représentation de l'État contemporain », Cahiers
Jaurès 2002/1, p. 97-116.
39. J.-Ph. Genêt, « La genèse de l'État moderne. Les enjeux d'un programme de
recherche », Actes de la recherche en sciences sociales, 118, 1997, p. 3-18 ; A. Gouron et
A. Rigaudière (dir.), Renaissance du pouvoir législatif et genèse de l'État, Montpellier,
Société d'histoire du droit et des institutions des anciens pays de droit écrit, 1988 ; J. Krynen,
L'empire du roi. Idées et croyances politiques en France xiiie-xve siècle, Paris, Gallimard,
1993.

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