Contextes - Penser l'ordre juridique médiéval et moderne - 232

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LES CONTROvERSES

la tradition juridique occidentale : le droit subjectif en est-il un élément
extérieur, une pièce rapportée pour résoudre un conflit historiquement
daté, une déformation introduite à la suite du développement d'une théorie
philosophique nominaliste, comme le pense villey, ou bien en est-il une
partie intégrante, née dans les écoles juridiques lors de la naissance des
universités et du renouveau des études juridiques au xiie siècle ? Concevoir
le droit naturel comme un droit subjectif, c'est-à-dire comme une caractéristique permanente inhérente à la nature humaine, se situe-t-il dans la ligne
du développement de la théorie réaliste ou en est-elle un détournement,
une déviation suite à l'introduction de conceptions étrangères au droit ? La
controverse entre villey et Tierney débouche ainsi sur des questions essentielles qui confèrent à l'histoire du droit une place éminemment centrale.

III - UNE CONTROVERSE FRUCTUEUSE
A. Élargissement méthodologique et conceptuel
de la thèse de Tierney
Le problème est d'autant plus intéressant que Tierney est loin d'être
un chercheur effréné du droit subjectif. Il ne pense pas que la notion de
droit subjectif soit en elle-même nécessaire, ni même qu'elle existât de
toute éternité ; il la sait contingente, fruit des circonstances72. Il ne pense
pas même qu'elle fût vraiment présente en tant que telle chez les Grecs, ni
dans les doctrines stoïciennes, ni dans les enseignements judéo-chrétiens73.
Tierney ne voit donc pas de droit subjectif dans les lieux où villey lui-même
pensait pourtant en avoir repéré quelques traces. Curieusement, Tierney
n'est pas même sûr que l'on puisse parler d'une doctrine des droits naturels
individuels dans le droit romain classique, même s'il admet par ailleurs que
l'on puisse y trouver des expressions relevant du droit subjectif, comme
nous l'avons dit plus haut74. Si donc, selon Tierney, toutes ces doctrines
questions connexes, qui exigent également une enquête de type historique, comme la portée
des droits naturels relativement à la notion de droits « actifs » et « passifs ». Nous pensons
en revanche qu'il ne s'agit pas seulement d'une question de typologie historique des droits,
mais de leur insertion dans une tradition juridique.
72. « The Idea of Natural Rights-Origins and Persistence », loc. cit., paragr. 4.
73. « Origins of Natural Rights Language », loc. cit., p. 45-46.
74. Ibid., p. 46 : « It is the same with classical Roman law, Julius Paulus gave an objective definition of ius as ''what is right and good'' and similar language was used to explain
the primary meaning of ius by Aquinas a thousand years later. Classical jurists, like Stoic
philosophers knew of a natural moral law, accessible to human reason, but they did not
derive from it a doctrine of natural rights ». Pour une critique de cette relativisation de la

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