Contextes - Penser l'ordre juridique médiéval et moderne - 82

L'ORDRE JURIDIqUE INTERNATIONAL

Or, la promulgation du droit canonique dans les diocèses de France obéit à
certaines règles : en plus du contrôle de l'impression, elle est aussi soumise
à l'appréciation de la puissance publique73.
La doctrine gallicane va peaufiner la matière, et distinguer deux sortes de
règles, les unes relevant de la foi, les autres de la discipline74. Les premières
doivent être simplement transposées en droit interne, sous réserve d'une
vérification des bulles dogmatiques qui pourraient toutefois « contenir des
clauses contraires aux droits de la Couronne & de l'Église de France »75.
En cette matière, les décrets « doivent absolument être gardés & entretenus
par tous les Chrétiens & par les Monarques qui n'en ont que la simple
exécution »76.

et surtout « deux dispositions conciliaires. Le concile de Latran de 1215 menace de sanctions
celui qui ne respecte pas une disposition ''postquam per praelatos locorum fuerit publicata''.
Et le concile de Trente, dans son célèbre décret Tametsi, décidait que ce texte ''recevrait
application dans chaque paroisse trente jours à partir de la première publication qui en
serait faite dans cette paroisse''. Le droit canonique lui-même reconnaissait donc que la
publication des textes législatifs pouvait être exigée localement », J. Gaudemet, « À propos
du contrôle de la législation ecclésiastique par le pouvoir séculier dans l'Ancien Régime »,
Justice et justiciables. Mélanges Henri Vidal, op. cit., p. 209.
73. Il ne faut cependant pas noircir le tableau des rapports entre l'Église et l'État, même
au temps des guerres de religion, comme nous le soulignons chez S. Daubresse, « Le
parlement de Paris et les actes romains au xvie siècle : exemples de la pratique judiciaire », in
Hétérodoxies croisées. Catholicismes pluriels entre France et Italie, xvie-xviie siècles, Rome,
École française de Rome, collection de l'École française de Rome, 508, 2015, lu en ligne
[http://books.openedition.org/efr/2823] (9 avril 2016) : « La défense des ''Libertés de l'Église
gallicane'' et de l'autorité du roi de France face au pouvoir pontifical constitua une cause de
tensions plus ou moins vives entre Rome et la France, mais on a trop tendance à les exagérer,
et à considérer le Parlement de Paris comme une machine de guerre contre les actes émanés
de la cour de Rome. Avec Rome, les tensions sont parfois fortes mais la confrontation n'est
pas toujours au rendez-vous ».
74. P.-T. Durand de Maillane, Dictionnaire de droit canonique, op. cit., t. Iv, p. 216,
v° Publication : « A l'égard des Loix ecclésiastiques, la publication en est également nécessaire, mais la forme n'en est pas tout à fait la même en ce Royaume, que pour les Loix
civiles ; ou du moins l'on distingue les Décrets qui regardent la Foi, d'avec ceux qui n'ont
pour objet que la Discipline ».
75. L. de Héricourt, Les loix ecclésiastiques de France, Paris, 1756, p. 106. Dupuy, qui
cite ce commentaire, le durcit cependant : « On a jugé même nécessaire pour la conservation
des droits du Roi & des Libertés de l'Eglise gallicane, que les Archevêques & Evêques du
Royaume ne procédassent à aucune publication des Bulles & Brefs quelconques du Pape ou
de ses Légats, sans y être autorisés préalablement par des Lettres-patentes, lors même que
les Bulles du Pape regarderoient des questions sur la Foi & la doctrine de l'Eglise », dans
P.-T. Durand de Maillane, Les Libertez de l'Eglise gallicane prouvées et commentées,
op. cit., t. II, p. 127.
76. P.-T. Durand de Maillane, Les Libertez de l'Eglise gallicane prouvées et commentées, Lyon, 1771, t. II, p. 789, cité par N. Sild, Le Gallicanisme et la construction de l'État,
op. cit., p. 82.

http://books.openedition.org/efr/2823

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