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FRONtIèReS et LIMIteS De L'eNSeIGNeMeNt Du DROIt

recrutement, ni de dépasser le consensus académique, c'est-à-dire ce qui
est communément « attendu » et « admis » lors des rencontres du monde
universitaire.
Être à contre-courant de « l'air du temps » est une stratégie. Il existe
une représentation officielle des faits « pertinents » qui n'échappe pas aux
systèmes de valeurs imposés par ceux qui ont les moyens de « rendre vraie »
une certaine interprétation des faits. Les maisons d'édition, les revues, outre
leurs besoins commerciaux, en tiennent le plus grand compte. un manuel
doit se garder d'un trop-plein d'originalité critique et la reproduction des
mêmes approches, simplement mises à jour, convient le plus souvent. Cette
reproduction, devenue la doctrine dominante, est la règle. L'article 38 du
statut de la CIJ précise d'ailleurs qu'elle constitue un « moyen auxiliaire »
de détermination des règles de droit : cet auxiliariat est logiquement interprété comme une assistance à l'ordre établi. G. Scelle considère, dans son
manuel de 1943, qu'être « auxiliaire » signifie « prêter son concours » et il
ajoute que « les juristes ne peuvent être que des auxiliaires des législateurs
et des juges ». Cet esprit d'accompagnement qui règne toujours dans les
facultés de droit éloigne de la recherche d'intelligibilité du réel qui caractérise l'activité scientifique. Il pousse à la prudence et à la légitimation de
l'existant, il disqualifie les théories générales, du type de celles qui ont
été élaborées par C. Chaumont, J. Salmon ou R.-J. Dupuy. Les juristes,
en grand nombre, travaillent au contraire à désidéologiser les normes, en
oubliant que « le droit a quelque chose de politique dans le sang », selon
l'expression de J. Carbonnier20.
en réalité, ce qui était dans le passé explicite dans l'enseignement du droit
international est devenu implicite. La mythologie n'est plus formulée, mais
est toujours présente dans le discours, au travers des concepts ou dans les
exemples choisis. une place privilégiée est d'ailleurs accordée à la jurisprudence, quelle que soit sa portée, de préférence aux faits bruts, notamment les
conflits, même les plus déterminants. Le formalisme demeure, bien qu'aient
disparu ses anciennes justifications théoriques21. L'avènement des relations
internationales, soigneusement séparées du « droit international » et, en fait,
jugées hiérarchiquement « inférieure » à l'étude du droit international, a
même favorisé un enseignement « purement » technique, selon la tradition
la plus académique22. Si l'enseignement des relations internationales tend
20. J. Carbonnier, Flexible droit : pour une sociologie du droit sans rigueur, Paris, LGDJ,
1995, p. 313.
21. Il est aisé de constater que les références bibliographiques d'une étude de droit international « convenable » sont quasi exclusivement celles de juristes. Les travaux des autres
sciences sociales ne sont qu'exceptionnellement cités.
22. Si dans les IeP, l'enseignement des relations internationales a pris toute sa place, dans
les facultés de Droit c'est en général une discipline d'initiation beaucoup moins « prise au

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