Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re - 10

Lobbying et stratégies d'influences en France

elles sont très répandues7, à qualifier les pratiques énigmatiques
et sulfureuses des groupes de personnes assidûment présentes
dans les couloirs des assemblées - et de ce fait dénommés lobbies
- consistant, pour influer sur les votes des membres du Parlement,
à discuter et à effectuer des transactions secrètes avec eux. Aux
États-Unis8, où « le lobby est ancien » et « semble remonter à
l'époque coloniale », ces pressions ont été très tôt exercées par des
lobbyistes rémunérés par des personnes dont ils se faisaient les
avocats des intérêts par des agissements le plus souvent occultes
et à certains égards illégaux. Ils étaient de la sorte « obligés
d'organiser des réceptions coûteuses, voire fastueuses », mais
aussi « intimes » afin de convaincre les parlementaires de la
justesse de leur cause. Ils n'hésitaient pas si nécessaire à les
corrompre et à « passer des semaines ou des mois à parcourir les
campagnes pour persuader individus et groupements de réclamer
de leurs parlementaires une attitude favorable ou défavorable à une
certaine mesure »9. Néanmoins, même aux États-Unis, dont la
culture politique libérale du laisser faire et la « défiance envers le
pouvoir lui-même »10 prédisposaient à admettre que les intérêts
privés puissent se manifester auprès des autorités11 et où le
premier amendement fonda leur droit de s'exprimer librement,
vendre son influence fut toujours considéré par les Américains
comme un tort civique12 et les pressure-group vus avec méfiance13.
Terre d'élection du lobbying, il n'y a ainsi été admis qu'avec une
certaine réticence14, pour des raisons avant tout pratiques, et avec

7. S. E. FINER, Anonymous Empire, Londres, The Pall Mall Press, 1958.
8. K. R. DOWLING, D. R. KENNON, The House and Senate in the 1790s: Petitionning, Lobbying and
Institutionnal Development, Ohio University Press, 2002.
9. A. TUNC, S. TUNC, Le système constitutionnel des États-Unis d'Amérique, t. 2, Domat
Montchrestien, 1954 ; Pour N. J. OMSTEIN et S. EIDER, la pratique se serait développée avec
l'accroissement de l'activité du Congrès et ils datent l'apparition du mot lobbyiste de 1820
in Groups, Lobbying and Policymaking, Congressional Quarterly Press, 1978, p. 8.
10. Selon G. A. ASTRE et P. LÉPINASSE, cette « vive défiance » explique que les attributions des
gouverneurs et des assemblées aient été souvent laissées dans le vague et que « les
constitutions des États abandonnèrent le terrain à tant de lobbies peu favorables à la
démocratie », in La Démocratie contrariée, La Découverte, 1985, p. 18.
11. G. Th. MITAU, State and Local Government. Politics and Process, New York, Charles
Scribner's Sons, 1966, p. 2.
12. Sur l'origine - l'affaire du cadeau d'adieu de Louis XVI à B. Franklin - d'une culture civique
américaine qui serait opposée à la corruption : Z. TEACHOUT, Corruption in America, Harvard
UniversityPress, 2016, p. 4 et s.
13. Selon J. MEYNAUD, cette expression y est apparue dans les années 1925 : in Les groupes de
pression en France, A. Colin, 1958, p. 11.
14. Sur ces préventions : A. HAMILTON, « Le Fédéraliste, nº 59 », in A. HAMILTON, J. JAY, J. MADISON,
Le Fédéraliste, Economica, 1988, p. 496-497 ; « Le Fédéraliste, nº 57», p. 474 et s.,
spécialement p. 478.

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