Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re - 117

Les répertoires d'action du lobbying

stratégique et cognitif, d'intermédiaires »55. Pour participer efficacement
à la construction de coalitions de cause56 et à son entretien57, le lobbyiste
doit non seulement être lui-même très compétent sur le problème
traité pour en mesurer exactement les enjeux, cerner les positions
des parties prenantes58, et avoir de solides relations pour obtenir la
participation des acteurs concernés - politiques, administratifs,
groupes d'intérêts, etc. -, mais aussi et surtout, être en mesure de
trouver, donc d'intéresser, des intermédiaires - policy brokers - influents
et légitimes - experts, scientifiques, personnalités reconnues, etc. -
facilitant la découverte de propositions acceptables et le contrôle des
luttes définitionnelles59 et de s'assurer les services d'un courtier pour
négocier les compromis et mettre en forme la politique.

D. L'organisation d'événements
La pratique consistant à organiser des colloques, des journées
d'étude, des séminaires, petits-déjeuners et des voyages scientifiques,
destinés à favoriser l'immersion des acteurs impliqués dans
l'univers symbolique du groupe d'intérêt60, à les imprégner par ses
valeurs et à leur faire partager sa problématisation du traitement des
enjeux ou à les associer à sa co-construction en prenant soin de rester
le principal propriétaire du problème61 s'est répandue à mesure que
s'est technicisée l'action publique et que les arguments scientifiques
et techniques ont pris de la valeur. Mobilisant des ressources
d'expertise - l'enrôlement de scientifiques prestigieux et faisant
autorité et de techniciens reconnus est essentiel car ils facilitent
sinon la transfiguration des intérêts particuliers en intérêts généraux,
du moins leur neutralisation62 - et de représentativité, ces formes
d'actions sont adaptées au traitement d'enjeux très techniques et à la
55. O. NAY, A. SMITH, «Les intermédiaires en politique. Médiation et jeux d'institution», in O. NAY,
A. SMITH (dir.), Le Gouvernement du compromis. Courtiers et généralistes dans l'action
politique, Economica, 2002, p. 1 et s.
56. On suit les analyses de J. KINGDON, Agendas, Alternatives and Public Policies, Boston, Little
Brown and Company, 2003, p. 180-183.
57. S. Laurens montre qu'à Bruxelles « entretenir une coalition » est la « face immergée du
travail du lobbyiste », op. cit., p. 200 et s.
58. Connaissance de ses différentes problématisations, des objectifs et des attentes des
parties prenantes et de leurs façons de raisonner, des rapports de forces entre elles.
59. Sur ces luttes : C. GILBERT, E. HENRY, art. cit., p. 43 et s.
60. L'industrie pharmaceutique a poussé très loin cette stratégie dans le monde médical en
finançant la formation continue des médecins, en subventionnant les congrès médicaux
et les sociétés savantes : M. HIRSCH, op. cit., p. 18-19.
61. J. R. GUSFIELD, The Culture of Public Problems: Drinking-driving and the Symbolic Order,
Chicago, University of Chicago Press, 1981.
62. J. HABERMAS, La technique et la science comme idéologie, Gallimard, 1973 ; sur la
modification du rapport des citoyens aux sciences et aux techniques, l'affaiblissement

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