Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re - 35

Le champ d'émergence économique et institutionnel

cacher sous les formes de la Constitution ». L'« omnipotence de la
majorité » est ainsi bornée par les multiples associations qui
« arrêtent les abus du pouvoir » et « empêchent le despotisme des
partis »76. La compétition entre les groupes aurait ainsi la double
vertu de dégager empiriquement l'intérêt général - fruit du rapport
de force entre les intérêts particuliers les plus différents - et de
modérer la puissance de chacun qui rencontre sur son chemin les
intérêts de ses pairs77. Cet élargissement de la sphère politique aux
intérêts privés les plus divers est donc pour Madison la « seule
solution réaliste pour protéger les minorités »78. La représentation la
plus étendue des intérêts différents et opposés qui « se contrôleront
et se contrebalanceront », a une autre vertu : ils « amèneront
l'impartialité requise » des gouvernants79. Cette analyse conduit à
une réévaluation de la façon dont la théorie politique américaine
envisageait jusqu'alors la contention du pouvoir et la structuration
des institutions, puisque le gouvernement est « limité de facto par
l'opposition des intérêts et factions multiples, dont la variété est
censée faire obstacle à l'oppression des uns par les autres »80.
Exposé à cette bienfaisante concurrence des intérêts, le citoyen
américain essaiera, selon J. Shklar, « sans s'interdire de prendre en
compte ses propres intérêts et ceux de son propre groupe
d'appartenance sociale, [...] de considérer avec impartialité les
revendications des autres et d'écouter avec soin leurs arguments »81.
Quoi que vaillent cette politique des intérêts et ses justifications,
elle a orienté les choix institutionnels retenus par la Constitution de
178782 et présidé à la consécration des libertés qui leur permettent
de se manifester dans toutes leurs dimensions par son premier
amendement (15 décembre 1791) : « Le Congrès ne fera aucune loi
relative à l'établissement d'une religion, ou à l'interdiction de son
libre exercice ; ou pour limiter la liberté d'expression, de la presse
ou le droit des citoyens de se réunir pacifiquement ou d'adresser
au Gouvernement des pétitions pour obtenir réparations des torts
subis ». Cette « liberté illimitée de s'associer dans des buts
politiques » et pour les citoyens de faire valoir leurs intérêts,
76.
77.
78.
79.

TOCQUEVILLE, De la démocratie..., I, p. 218.
Y. POIRMEUR, D. ROSENBERG, op. cit., p. 33.
D. HOWARD, op. cit., p. 276.
A. HAMILTON ou J. MADISON, « Le Fédéraliste, nº 51», op. cit., p. 432-434 et « Le Fédéraliste,
nº 54, 12 février 1788 », op. cit., p. 458.
80. D. HOWARD, op. cit., p. 278.
81. J. SHKLAR, La citoyenneté américaine, Calmann-Lévy, 1991, p. 13.
82. Pour une analyse de sa place dans les débats de la convention : D. HOWARD, op. cit.,
p. 280-329.

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