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Lobbying et stratégies d'influences en France

La légitimation du lobbying

Les associations professionnelles de lobbyistes et les groupes de
pression, aidés en cela par certaines de leurs cibles intéressées par
les services qu'ils leur rendent et les avantages qu'elles en tirent, se
sont efforcés de construire un système de justifications du lobbying
(B) capable de neutraliser le riche répertoire d'arguments accumulés
contre lui, au fil du temps et d'asseoir sa légitimité (A).

A. L'illégitimité d'un métier sulfureux
Si le lobbying est envisagé péjorativement pour ses méthodes
contestables et illégales, c'est surtout son incompatibilité avec les
grandes constructions symboliques de la démocratie représentative
et du marché autorégulé qui ont structurellement contribué, on l'a
vu, à en ternir l'image. Faussant le jeu normal de la représentation
politique et contournant les procédures de décision pour favoriser
des intérêts particuliers, il apparaît en effet, à bien des égards,
comme contraire aux principes et aux valeurs sur lesquels repose
l'institution imaginaire de la société démocratique dans laquelle le
gouvernement est conçu, selon la formule d'A. Lincoln, comme « le
pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple » et où, par
conséquent l'intérêt général doit l'emporter. Il semble être plus
opposé encore aux fondements imaginaires du libéralisme économique
concevant le marché comme autorégulateur et exigeant de l'État qu'il
ne fausse pas le libre jeu de la concurrence, libre jeu que le lobbying à
finalité économique22 entend souvent contrecarrer en faisant consacrer
des monopoles, des exemptions et des avantages indus23. D'autant
plus dissimulées qu'elles sont illégitimes, les pressions des lobbies
ne s'en traduisent pas moins par des décisions difficilement
compréhensibles au vu des seules données politiques rendues
publiques, ce qui nourrit l'idée fort ancienne que ce sont des tireurs

22. Sur le patronat français et le libéralisme : F. DENORD, « Les idéologies économiques du
patronat français au 20e siècle », Vingtième siècle, 2012/2, nº 114, p. 171-182.
23. En France où le libéralisme économique n'a guère été porté par les élites économiques, le
lobbying économique vise généralement le maintien d'avantages acquis ou l'obtention de
nouveaux, qu'illustre la célèbre et ironique « Pétition des Fabricants de Chandelles,
Bougies, Lampes, Chandeliers, Réverbères, Mouchettes, Éteignoirs, et des Producteurs
de Suif, Huile, Résine, Alcool et généralement de tout ce qui concerne l'éclairage » (1845)
de F. BASTIAT, in Sophismes économiques, Les belles lettres, 2005, p. 89 et s. Les entreprises
de la nouvelle économie, dont les procédés remettent en cause les situations acquises des
entreprises de l'ancienne ont bien du mal à faire reconnaître leurs modèles.

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