Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re - 77

La professionnalisation inaboutie du lobbying

de ficelles, tapis dans l'ombre24, qui procèdent aux véritables choix
politiques et alimente les théories du complot25 qui prêtent à
certains groupes une influence aussi démesurée que néfaste26. Les
mécanismes invisibles qui biaisent les décisions publiques et
confisquent le pouvoir au profit d'un petit groupe de dirigeants - loi
d'airain de l'oligarchie27 - étroitement liées aux groupes sociaux
dominants, sont devenus d'autant plus problématiques qu'avec la
démocratisation de l'État, les candidats s'engagent, pour se faire
élire, sur des programmes28 et des propositions dont les électeurs
peuvent constater, d'élection en élection, qu'ils ne sont pas réalisés
bien qu'ils aient été portés par la majorité. Est ainsi posée de façon
structurelle la question de savoir pour quelles raisons les promesses
faites par les candidats et leurs partis ne sont pas tenues et pour
quels motifs il est fréquent que les gouvernants conduisent des
politiques différentes de celles qu'ils préconisaient. Il s'agit là d'une
tension structurelle du système démocratique qui sape la confiance
que les citoyens ont en lui. Au-delà de l'explication des écarts
constatés par l'exigence d'adapter les décisions et les politiques
aux changements de situation survenant au fil de la mandature,
c'est l'existence d'un système de représentation officieux d'intérêts
particuliers, reposant sur des transactions individualisées, dissimulé
sous la façade officielle de la représentation démocratique qui est le
plus souvent avancée par les observateurs, notamment par la presse
d'investigation spécialisée dans l'exploration de l'envers du décor

24. Sur son origine : E. BURKE, Réflexions sur la Révolution française (1790), Nouvelle librairie
nationale, 1912, 111-113. Sur la diabolisation polémique de l'influence politique secrète du
grand capital, des dynasties bourgeoises et des féodalités financières depuis le Second
Empire : J. GARRIGUES, « Industrie... », p. 78.
25. G. BRONNER, La démocratie des crédules, Paris, PUF, 2013.
26. Dans les années 1930, le radicalisme et la franc-maçonnerie furent ainsi violemment
accusés de dévoyer les mœurs électorales à travers les comités électoraux, de vouloir
« le privilège pour tout le monde, doctrine secrète des comités ». La maçonnerie est
décrite comme « invisible » et « omniprésente » : D. HALÉVY, La République des comités.
Essai d'histoire contemporaine (1895-1934), Grasset, 1934, p. 30-32.
27. R. MICHELS, Les partis politiques. Essais sur les tendances oligarchiques des démocraties
(1911), Bruxelles, Université de Bruxelles, 2009 ; les experts participant aux décisions
ont aussi des intérêts propres qui les éloignent de ceux de la population. Voir : G. DEWEY,
The Public and its Problems (1927), Athens, Swallow Press-Ohio University Press, 1954,
p. 207 ; sur la façon dont le citoyen devient un « spectateur sourd », alors que « des
puissances anonymes tirent les ficelles derrière les grandes scènes publiques » :
W. LIPPMAN, Le public fantôme (1925), Demopolis, 2008, p. 51 et s. et p. 155 et s.
28. Sur leurs logiques de production : K. FERTIKH, M. HAUCHECORNE, « Codification et genèses
d'un genre programmatique. Les professions de foi des députés français du Nord, de la
Seine et de la Vendée en 1881, 1906 et 1919 », in K. FERTIKH, M. HAUCHECORNE, N. BUÉ (dir.),
Les programmes politiques. Genèses et usages, PUR, 2016, p. 29 et s.

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