Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re - 84

Lobbying et stratégies d'influences en France

l'univers des non profit groups. Enfin, différentes institutions, comme
celles de l'Union européenne, qui sont les cibles des lobbyistes mais
sont intéressées par les productions formatées qu'elles leur imposent,
contribuent largement à sa valorisation.
L'entreprise de légitimation et de dédiabolisation de ce métier
vilipendé et à bien des égards inavouable51 repose tout d'abord sur
son érection en activité nécessaire à la démocratie. Loin de la
pervertir, le lobbying lui serait aujourd'hui indispensable. S'inscrivant
dans la perspective pluraliste, selon laquelle l'intervention des
groupes d'intérêt atténue les défauts du système représentatif en
faisant connaître leurs revendications aux décideurs et en leur
fournissant les informations dont ils ont besoin pour faire leurs
choix52, le lobbying est présenté comme apportant une contribution
positive à la mise en place d'une démocratie enrichie par la
concertation et le dialogue social et à l'instauration d'une gouvernance
démocratique associant les représentants de la société civile53 aux
processus décisionnels et aux échanges communicationnels d'une
démocratie procédurale permettant d'élaborer un consensus54. À
condition d'être correctement régulé pour empêcher toute capture des
décideurs et de respecter des critères d'équité et de transparence, le
lobbying peut prendre place, pour ses défenseurs, dans le processus
de discussion conduisant à des décisions légitimes que décrit
J. Habermas : « dans la mesure où la négociation d'un compromis se
fait selon des procédures qui assurent à tous les intéressés des
chances égales de participation aux débats et, pendant la durée de
ceux-ci, leur accordent des chances généralement égales de faire
51. Plus encore sans doute que celui de député : J. BOELAERT, S. MICHON et E. OLLION, Métier :
député. Enquête sur la professionnalisation de la politique en France, Raisons d'Agir, 2017,
p. 19 et s.
52. A. F. BENTLEY, op. cit. ; D. B. TRUMAN, The Governmental Process : Political Interests and Public
Opinion (1951), New York, Alfred A. Knopf, 1971.
53. J. CHEVALLIER, L'État post-moderne, op. cit., p. 205 et s.
54. Commission européenne, Livre vert. Initiative européenne en matière de transparence, 2005,
« Le lobbying est une activité légitime dans le cadre d'un système démocratique, qu'elle
soit menée par des citoyens ou des entreprises, des organisations de la société civile et
d'autres groupes d'intérêt ou par des entreprises travaillant pour le compte de tiers
(spécialistes des affaires publiques, groupes de réflexion et avocats). 2. Les lobbyistes
peuvent contribuer à attirer l'attention des institutions européennes sur des questions
importantes. Dans certains cas, la Communauté offre un soutien financier, afin de
veiller à ce que les opinions de certains groupes d'intérêt puissent être exprimées de
façon satisfaisante au niveau européen (les intérêts des consommateurs, des citoyens
souffrant de handicap, des intérêts écologiques, etc.) », p. 5 ; sur la façon dont cette
politique de transparence peu contraignante a été construite et a permis de faire du
lobbying une pratique mieux admise : C. ROBERT, « La politique européenne de
transparence (2005-2016) : de la contestation à la consécration du lobbying »,
Gouvernement et action publique, nº 1, 2017, p. 1 et s.

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