Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re - 85

La professionnalisation inaboutie du lobbying

valoir tous les intérêts en question, on est fondé à réaliser que les
accords réalisés sont équitables »55. Sur cette trame argumentative
sous-jacente plus ou moins clairement formulée, les promoteurs du
lobbying inventorient ses nombreux bienfaits. Ils mettent d'abord en
avant les travaux d'expertise que les lobbyistes effectuent et
fournissent aux décideurs qui n'ont pas les moyens suffisants pour
réaliser eux-mêmes. Il en va ainsi des députés auxquels « les groupes
de pression vont fournir une ouverture sur les milieux sociaux, des
informations sur des professions [...] » et les aider « à pouvoir discuter
presque d'égal à égal avec le ministre »56 ce qui est précieux dans le
système institutionnel de la Ve République où l'exécutif concentre les
ressources d'expertise57. En répondant à leurs besoins d'expertise et
d'informations originales sur les contextes et les enjeux des décisions,
d'autant plus important qu'elles sont devenues plus techniques et que
l'inflation normative complexifie l'appréciation de leur impact58, les
lobbyistes contribuent à l'amélioration de la qualité du droit et à
l'élaboration de politiques publiques pertinentes, adaptées et efficaces.
« Intermédiateurs entre des mondes aux cultures et aux logiques
différentes », les lobbyistes sont présentés comme d'indispensables
passeurs d'informations et le lobbying érigé en « moyen essentiel du
processus de décision démocratique, fondé sur le débat contradictoire
puis l'arbitrage des décideurs publics »59. Il ne serait donc que « l'outil
de dialogue par lequel l'homme de l'art informe l'homme de loi des
conséquences de ses décisions »60 et aurait ainsi vocation à « rappeler
au politique le principe de réalité »61.

55. J. HABERMAS, Droit et démocratie, entre faits et normes, Gallimard, 1997, p. 186.
56. T. BRÉHIER, « Les groupes de pression à l'Assemblée », Pouvoirs, nº 34, 1985, p. 116 ; sur les
interventions du lobby du lait au Sénat : E. CASALEGNO, K. LASKE, Les cartels du lait. Comment
ils remodèlent l'agriculture et précipitent la crise, Don Quichotte Éditions, 2016, p. 181 et s.
57. Selon J. BOELAERT, S. MICHON et E. OLLION, « les députés n'ont pas « toujours les moyens
matériels et l'expertise nécessaire à la production des lois, ni même simplement à la
formulation de propositions alternatives » ni d'équipes comparables à celles des
ministres. Pour les députés, les 150 administrateurs de l'Assemblée ne suffisent pas : in
op. cit., 2017, p. 52.
58. M.-L. DARIDAN, A. LUNEAU, op. cit., p. 42-45.
59. Commentaires de l'AFCL in J.-P. CHARIÉ, Rapport d'information sur le lobbying, Assemblée
nationale, nº 613, 16 janvier 2008, p. 117.
60. C. PEREIRA, « Devenir lobbyiste, entre ombre et lumière », Le Figaro, 12 novembre 2003, in
L. CHOUCHAN, J.-F. FLAHAUT, Les relations publiques, PUF, 2005, p. 107.
61. M.-L. DARIDAN, A. LUNEAU, op. cit., p. 40.

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