Cours - Droit commercial - 3e - 227

Le fonds de commerce

la clientèle. Cet élément semble être le cœur même de la notion, avec laquelle il entretient
des liens équivoques : la clientèle est-elle un élément du fonds de commerce, ou sa finalité ?
Au-delà de ce qui semble être le centre de gravité de la notion, d'autres éléments participent
activement à ce but, les uns permettant véritablement d'attirer les clients, les autres permettant au commerçant d'exercer son activité. Pourtant, il n'est pas possible de donner une définition complète du fonds de commerce, qui serait pratiquement applicable à toutes les situations : tout au plus peut-on identifier des éléments qui peuvent figurer dans un fonds de
commerce, tous n'étant pas nécessairement présents, en fonction de l'activité exercée : ainsi
un commerçant exerçant une activité de transport n'a pas de marchandises, la nécessité
d'exercer dans un local n'apparaît pas toujours, etc. Encore une fois, seule la clientèle est
indispensable pour reconnaître l'existence d'un fonds.

§ 1. Le centre de gravité : la clientèle
344 Point de départ ou d'arrivée ? La question est ancienne, fondamentale, et pas vraiment résolue : la clientèle est-elle un élément du fonds de commerce, ou son objectif ? À
cette question semblent s'opposer deux approches difficilement conciliables. Dans une
approche dogmatique, il semble difficile de considérer que la clientèle puisse faire partie du
fonds de commerce, dans la mesure où la clientèle est par nature volatile, et son attachement au commerçant dépend pour beaucoup à la fois des efforts qu'il réalise pour la fidéliser, et en même temps de ceux de ses concurrents, qui cherchent à l'attirer à eux. De
plus, comme le fonds de commerce est un bien, dont le commerçant est propriétaire -
c'est l'hypothèse courante - comment y inclure la clientèle sans la considérer elle-même
comme objet d'appropriation ? N'est-il pas quelque peu déroutant de considérer les clients
du commerçant comme objets de droit, de les réifier ? Il serait donc préférable d'envisager
la clientèle comme l'objectif poursuivi par le commerçant, le fonds de commerce, et ses
éléments, lui permettant de l'attirer à lui, et de la conserver. Cette approche, proposée par
une partie de la doctrine, pour séduisante qu'elle soit, présente cependant l'inconvénient de
ne pas prendre en considération la valeur représentée par la clientèle qui fréquente le
fonds : or, c'est précisément cette clientèle, nombreuse et fidèle ou au contraire rare et
incertaine qui détermine la potentialité du fonds, l'espérance pour le commerçant de
réaliser des profits. Comment alors évaluer justement la valeur d'un fonds si l'on se prive
de son élément essentiel ? Cette quadrature du cercle conduit alors à avoir une approche
pragmatique de la question. Un fonds de commerce possédant un « fonds de clientèle »
important aura évidemment une valeur supérieure à celui qui n'en est pas autant pourvu,
et cet élément ne peut être que pris en compte pour déterminer sa valeur, notamment à
l'occasion d'une cession. N'est-on, alors, pas condamné, ne serait-ce que par défaut, à
inclure la clientèle dans la composition du fonds de commerce ? Cette approche réaliste,
fondée plus sur la valeur représentée par la clientèle, c'est-à-dire l'importance des opérations conclues à un instant donné ainsi que la potentialité de la maintenir, voire de
l'accroître, que sur une hypothétique propriété des clients a toujours été celle de la pratique
et du législateur. Ainsi, la loi de 1909, sur la vente du fonds de commerce, fait bien de la
clientèle l'une des composantes du fonds de commerce. Plus précisément, les textes sur

227

Table des matières de la publication Cours - Droit commercial - 3e