Cours - Droit commercial - 3e - 252

DROIT COMMERCIAL

certains sortent de la bibliothèque, que d'autres y entrent, la bibliothèque demeure. La
conséquence pratique de cette notion - certes équivoque - d'universalité de fait est que le
commerçant reste personnellement débiteur de ses dettes professionnelles, dont il
répond sur l'ensemble de son patrimoine. Reconnaître au fonds de commerce le statut
d'universalité de droit aurait eu pour conséquence de créer un véritable patrimoine d'affectation, les créanciers professionnels n'ayant alors de prise que sur les éléments du fonds
de commerce. Telle n'est pas la vision du droit français. Certes, la législation a fortement
évolué ces dernières années, par la création de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité
limitée (EURL), par la possibilité de déclarer insaisissable la résidence principale, et plus
encore par la création du statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL),
lequel crée directement un patrimoine d'affectation105. Pour autant, ces bouleversements
juridiques dans notre conception du patrimoine ne modifient pas la nature du fonds de
commerce : si le commerçant exerce sous le statut d'EIRL, il dispose certes d'un patrimoine d'affectation, mais dans lequel se trouve le fonds de commerce qui, lui, demeure
une universalité de fait.
382 Les nouveaux fonds. - L'activité commerciale a toujours été imprégnée d'un fort pragmatisme, ce qui fait sa force. Le dynamisme économique passe par un important pouvoir d'initiative, ainsi que par le constant besoin de s'adapter aux nécessités de l'époque, et en particulier
aux nouvelles possibilités que les spectaculaires avancées de la technique permettent d'entrevoir. Ainsi, il est bien évident que l'apparition, puis le développement de l'internet ont permis
d'ouvrir des champs entiers d'activité propres à satisfaire à la fois les demandes des clients
et les offres des professionnels. Le taux de croissance du commerce électronique en fait foi,
y compris en période de crise économique profonde106. L'apparition de l'internet et des
contrats électroniques, à distance, a profondément modifié le paysage contractuel en
général, et commercial en particulier, imposant parfois la création de nouvelles règles
juridiques107 et souvent l'adaptation de règles classiques108. Si le commerce électronique
existe, et représente une réalité économique très importante, peut-on dire pour autant que le
cybercommerçant est titulaire d'un fonds de commerce électronique109 ? Il est bien évident que
les règles régissant le fonds de commerce n'ont pas été élaborées dans cette perspective, et
que l'immatérialité, voire l'absence de certains de ses éléments invitent à s'interroger sur leur
possible transposition dans le cyber espace. Y a-t-il une clientèle électronique, existante
et personnelle, y a-t-il enseigne, droit au bail, etc. ? A priori, le cybercommerçant dispose bel
105. Sur ces éléments, v. supra, nº 226.
106. Les chiffres 2017 de la FEVAD (Fédération du e-commerce et de la vente à distance) ont de quoi donner le vertige. S'agissant du commerce électronique entre professionnels et consommateurs, le nombre de ventes est en augmentation de 15 % sur un
an, avec plus d'un milliard de transactions, représentant un chiffre d'affaires de 72 milliards d'euros en 2016 (il était de
30 milliards en 2010). 82,7 % des internautes français achètent par l'internet, et le e-commerce représente à présent 8 % du
commerce de détail, avec plus de 200 000 sites marchands actifs. À l'échelle européenne, le e-commerce représente
530 milliards d'euros en 2016, avec une progression sur une année de 15 %. La France se situe en troisième position des pays
européens à cet égard. S'agissant de la consommation collaborative, elle est également en pleine extension, 60 % des e-acheteurs
ayant eu recours à ce procédé en 2016. S'agissant enfin du commerce électronique entre professionnels, il suit la même progression, représentant 18 % du montant des ventes entre professionnels, avec un taux de croissance de 32 % !
107. Comme en matière de responsabilité, pour les fournisseurs d'accès à l'internet ou les hébergeurs de site.
108. Comme en matière de preuve, de signature ou même de conclusion de contrat : ainsi, les articles 1125 à 1127-5 du Code
civil forment-ils une sous-section intitulée « Dispositions propres au contrat conclu par voie électronique ».
109. A. MENDOZA, « La notion de fonds de commerce à l'épreuve de l'internet : faut-il admettre le fonds de commerce électronique ? », in Mél. PH. LE TOURNEAU, Dalloz, 2008, p. 763 ; Ph. STOFFEL-MUNCK et G. DECOCQ, « L'avènement du fonds de commerce électronique », Gaz. Pal., 4 juin 2009, nº 155, p. 52 ; R. DESGORCES, « Notion de fonds de commerce et internet », CCE 2000, étude nº 6.

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