Cours - Droit commercial - 3e - 270

DROIT COMMERCIAL

2. La protection des intérêts du vendeur : le privilège
392 Privilège. - Il faut se garder, ici comme ailleurs, de toute vision manichéenne en ce sens
que l'acheteur n'est pas le seul qui mérite protection. En effet, les intérêts du vendeur
doivent, eux aussi, être préservés. Si l'intérêt de l'acheteur consiste à recevoir un fonds
conforme à ce qui a été promis, et à ses attentes, celui du vendeur réside évidemment dans
le paiement du prix. En réalité, la question ne se pose pas si le prix est payé au comptant. En
revanche, qu'en est-il dans les ventes dont le paiement est différé, ou échelonné ? Le vendeur
a transféré la propriété du fonds de commerce sans avoir reçu l'intégralité de ce qui lui est
dû. Ici apparaît la particularité de la vente de fonds de commerce. Ce contrat met en jeu non
seulement des intérêts particuliers, mais plus généralement intéresse l'intérêt général. En
effet, le fonds de commerce permet l'exercice du commerce, qui est au cœur de l'activité
économique. Une économie dynamique encourage les mutations de fonds, leur circulation,
alors qu'une économie atone a tendance à figer les situations. Or, pour que les fonds circulent, encore faut-il que les vendeurs puissent être rassurés, avoir confiance dans le système,
ce que ne permet qu'imparfaitement le droit commun de la vente33.
C'est la raison pour laquelle le Code de commerce organise la protection du vendeur en
lui accordant un privilège : celui d'être payé en priorité par rapport aux autres créanciers
de l'acheteur. C'est le long article L. 141-5 qui en expose les principales règles. Ce texte a
déjà été évoqué car c'est notamment à partir de lui qu'ont été menées les réflexions sur
le contenu du fonds de commerce34.

Article L. 141-5 du Code de commerce
Le privilège du vendeur d'un fonds de commerce n'a lieu que si la vente a été constatée par un
acte authentique ou sous seing privé, dûment enregistré, et que s'il a été inscrit sur un registre
public tenu au greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel le fonds est exploité.
Il ne porte que sur les éléments du fonds énumérés dans la vente et dans l'inscription, et à défaut de
désignation précise, que sur l'enseigne et le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et l'achalandage.
Des prix distincts sont établis pour les éléments incorporels du fonds, le matériel et les marchandises.
Le privilège du vendeur qui garantit chacun de ces prix, ou ce qui en reste dû, s'exerce distinctement sur les prix respectifs de la revente afférents aux marchandises, au matériel et aux éléments
incorporels du fonds.
Nonobstant toute convention contraire, les paiements partiels autres que les paiements comptants
s'imputent d'abord sur le prix des marchandises, ensuite sur le prix du matériel.
Il y a lieu à ventilation du prix de revente mis en distribution, s'il s'applique à un ou plusieurs
éléments non compris dans la première vente.

393 Constitution - Ventilation du prix. - L'article L. 141-5 impose plusieurs règles de forme
afin que le vendeur puisse bénéficier de son privilège.

d'une mention : empêche-t-elle l'acquéreur d'exploiter le fonds, ou même de réaliser des bénéfices équivalents, voire supérieurs ? L'appréciation est ici plus délicate...
33. Surtout en cas de procédure collective.
34. V. supra, nº 348.

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