Cours - Droit commercial - 3e - 271

Les opérations portant sur le fonds de commerce

D'une part, l'acte de vente doit être constaté par un acte authentique ou par un acte sous
seing privé dûment enregistré. De plus, il doit être inscrit sur un registre spécifique tenu
par le greffe du tribunal de commerce du lieu de situation du fonds35.
D'autre part, et c'est un point essentiel à la réalisation du privilège, le prix de vente ne doit
pas demeurer global et indifférencié, mais au contraire doit être ventilé en trois masses
distinctes : les éléments incorporels, le matériel et les marchandises.
Enfin, l'inscription du privilège doit être réalisée dans les trente jours de la date de l'acte
de vente36 et elle rétroagit au jour de la vente ; elle demeure valable durant dix années et
peut être renouvelée.
394 Réalisation du privilège. - Lorsque les formes requises sont satisfaites, le privilège
accorde une protection au vendeur qui risquerait de ne pas être payé. L'article L. 141-6
précise que l'inscription « prime toute inscription prise dans le même délai du chef de l'acquéreur ; elle est opposable aux créanciers de l'acquéreur en redressement ou en liquidation judiciaire, ainsi qu'à sa succession bénéficiaire ». C'est dire que le privilège accorde au vendeur
un droit de préférence : celui d'être payé en priorité sur le prix de vente. En pratique, il faut
considérer une vente de fonds de commerce, pour laquelle le vendeur a octroyé à l'acheteur des délais de paiement. En cas de défaut de paiement, le vendeur sollicite et obtient
la vente du fonds. Il bénéficiera alors du droit de se faire payer, en priorité, sur le prix de
vente, mais en fonction de la ventilation qui aura été faite : ainsi, les paiements partiels
s'imputent d'abord sur le prix des marchandises, puis sur celui du matériel et enfin sur
les autres éléments. Ainsi, aucune compensation n'est possible. Associé fréquemment au
droit de préférence, le droit de suite est également l'une des prérogatives du vendeur privilégié. Ainsi qu'en dispose l'article L. 143-12, « les privilèges du vendeur et du créancier gagiste
suivent le fonds en quelques mains qu'il passe ». Cela signifie très clairement que le vendeur
peut opposer son privilège y compris au sous-acquéreur en cas de revente du fonds. Dans
ce cas, le sous-acquéreur du fonds peut purger l'inscription en versant le prix d'achat du
fonds au vendeur impayé. Si les créanciers inscrits estiment que le prix de vente est insuffisant, ils peuvent recourir à la procédure dite de surenchère du dixième37.
395 Autres prérogatives du vendeur. - Le vendeur privilégié peut choisir de ne pas poursuivre la vente forcée du fonds, et préférer le récupérer. La loi le lui permet en choisissant
la voie de la résolution : le fonds lui est alors restitué, quitte pour lui de reverser les
sommes déjà versées par l'acheteur. Le vendeur, pour que cette action résolutoire soit
opposable aux tiers, doit cependant l'avoir anticipée en la réservant expressément lors de
l'inscription de son privilège. L'action résolutoire est ainsi intimement liée à l'existence du
privilège et à sa validité. En outre, cette action n'est possible que tant que l'acheteur n'est
pas soumis à une procédure collective.
Enfin, le vendeur dispose, tant qu'il n'est pas payé, du droit d'être informé de certains
événements pouvant avoir une influence directe ou indirecte sur la situation du fonds.
Ainsi, si l'acheteur entend déplacer géographiquement le fonds, il doit en aviser les

35. Il y a lieu de procéder à une inscription spécifique en ce qui concerne les droits de propriété industrielle, auprès de l'INPI.
36. C. com., art. L. 141-6. Ce délai, qui était autrefois de quinze jours, a été allongé par la loi nº 2015-990 du 6 août 2015.
37. V. infra, nº 425.

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