Cours - Droit commercial - 3e - 282

DROIT COMMERCIAL

L'exploitation du fonds doit donc avoir été propre à la personne du bailleur, et peu importe
à quel titre il l'a faite. Ainsi, un locataire gérant qui aurait exploité un fonds avant de s'en
porter acquéreur peut le mettre à son tour en location : le texte exige une simple exploitation personnelle du fonds, sans préciser à titre de propriétaire. De plus, il n'est pas
nécessaire que la période d'exploitation de deux années soit immédiatement antérieure à
la conclusion du contrat : il faut, mais il suffit, qu'il y ait eu exploitation pendant deux ans.
Cette seule condition suffit à écarter le risque de spéculation. Il appartient au loueur, lors
de la conclusion du contrat, de rapporter la preuve du respect de ces conditions76. Cellesci sont d'ordre public, et l'intérêt général étant en cause, elles sont sanctionnées par une
nullité absolue77.
Il est bien évident que la condition d'exploitation du fonds durant deux années constitue un
frein efficace à la spéculation, mais elle peut également empêcher la mise en locationgérance de fonds alors que le propriétaire se trouve dans une situation qui ne lui a pas
permis de l'exploiter, mais sans pour autant qu'une volonté de spéculation soit présente.
C'est la raison pour laquelle, pour séparer le bon grain de l'ivraie, le législateur a prévu
des possibilités de dispenses, générales ou spéciales. C'est l'article L. 144-4 qui pose le
principe d'une dispense d'ordre général : le délai peut être réduit, voire supprimé par
ordonnance du président du tribunal de grande instance, à la requête de l'intéressé.
L'intérêt général étant en cause, le ministère public doit être entendu. Le texte précise
seulement que l'intéressé doit justifier « qu'il est dans l'impossibilité d'exploiter son fonds
personnellement ou par l'intermédiaire de préposés ». La maladie78 du propriétaire est ainsi
l'un de ces justes motifs, apprécié souverainement par le juge. Au-delà de cette cause
générale, qui présente l'avantage de la souplesse, mais l'inconvénient de devoir saisir le
juge, le Code prévoit certaines hypothèses pour lesquelles la dispense est légale : ces
cas sont prévus par l'article L. 144-5.

Article L. 144-5 du Code de commerce
L'article L. 144-3 n'est pas applicable :
1º À l'État ;
2º Aux collectivités territoriales ;
3º Aux établissements de crédit et aux sociétés de financement ;
4º Aux majeurs faisant l'objet d'une mesure de protection légale ou aux personnes faisant l'objet de
soins psychiatriques en raison de troubles mentaux dans les conditions fixées par les articles
L. 3211-2 et L. 3212-1 à L. 3212-12 du Code de la santé publique, en ce qui concerne le fonds dont ils
étaient propriétaires avant la mesure de protection légale ou avant la survenance de l'hospitalisation ;
5º Aux héritiers ou légataires d'un commerçant ou d'un artisan décédé, ainsi qu'aux bénéficiaires
d'un partage d'ascendant, en ce qui concerne le fonds recueilli ;
6º À l'établissement public créé par l'article L. 325-1 du Code de l'urbanisme ;
7º Au conjoint attributaire du fonds de commerce ou du fonds artisanal à la suite de la dissolution
du régime matrimonial, lorsque ce conjoint a participé à son exploitation pendant au moins deux
ans avant la dissolution du régime matrimonial ou son partage. ;
76. Cass. com., 18 avr. 2000, nº 98-12286 : Bull. civ. IV, nº 77 ; JCP E 2000.1864, note L. LEVENEUR.
77. Cass. com., 4 oct. 2005, nº 03-13407 : CCC 2006, nº 22, obs. L. LEVENEUR. Sur les conséquences de la nullité d'un contrat de
location-gérance, v. Cass. 3e civ., 3 déc. 2015, nº 14-22692 : D. 2016.1179, note F. SAFI.
78. V. Cass. com., 13 sept. 2017, nº 16-15049 : D. 2017.1832.

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