Cours - Droit commercial - 3e - 99

Le commerçant

conjoint salarié même en l'absence de subordination26. En contrepartie de ce statut, le
conjoint salarié bénéficie de toute la protection y afférant, notamment sociale.
Le conjoint associé. Dans cette hypothèse, le conjoint participe à l'activité commerciale par
le biais de la constitution d'une société. Les conditions de formation de toute société
doivent donc être respectées : la volonté de travailler ensemble (l'affectio societatis) ;
apporter quelque chose à la société (il peut s'agir : de biens, et l'apport est alors dit en
nature ; de l'argent, et l'apport est alors dit en numéraire ; de sa force de travail, et
l'apport est alors dit en industrie, hypothèse qui correspondra souvent au cas du conjoint) ;
le partage des bénéfices et la participation aux pertes. Ainsi, le mari commerçant peut
faire un apport en nature (par exemple le fonds de commerce), et l'épouse un apport en
industrie (sa force de travail). Le conjoint associé a alors droit de contrôle et d'administration, ainsi qu'une vocation au partage des bénéfices.
Le conjoint sans statut. - En pratique, il peut arriver qu'un conjoint participe effectivement à l'activité du commerçant, sans pour autant avoir opté pour un statut. En cas de
séparation ou de décès, les choses se compliquent alors sérieusement. Comment l'ancien
époux peut alors faire valoir ses droits ? Plusieurs mécanismes ont pu être utilisés en jurisprudence, mais qui ne sont sans doute pas totalement satisfaisants.
Ainsi, il est possible d'invoquer à l'encontre du commerçant les règles de l'enrichissement
injustifié, telles qu'elles résultent - depuis la réforme du droit des contrats opérée par
l'ordonnance du 10 février 2016 - des articles 1303 et suivants du Code civil. L'utilisation
de ce quasi-contrat permet en effet de prendre en compte le transfert de valeur réalisé
entre le patrimoine du conjoint, qui s'est appauvri (en travaillant par exemple sans percevoir de contrepartie), et celui du commerçant, qui s'est enrichi (en évitant une dépense, qui
aurait été la sienne s'il avait dû embaucher quelqu'un). Selon les règles propres à l'action
de in rem verso, celle-ci ne peut être exercée que subsidiairement (c'est-à-dire en
l'absence d'autre voie de droit), et conduire à percevoir une indemnité égale à la plus
faible des deux sommes (enrichissement et appauvrissement)27.
Une autre solution consiste à reconnaître l'existence d'une société créée de fait. Cette création
de la jurisprudence permet de reconnaître l'existence d'une société lorsque des personnes
se sont comportées comme des associés, mais sans avoir réalisé aucune des formalités
constitutives requises. Autrement dit, les conditions de fond du droit des sociétés sont
présentes, mais pas les conditions de forme. Cette société est ainsi dépourvue de la personnalité juridique, faute d'immatriculation. L'intérêt de cette construction est de reconnaître, a
posteriori, l'existence d'une société et de lui appliquer les règles classiques de liquidation :
ainsi, le conjoint aura droit à une part des bénéfices restants28. Cette jurisprudence est
notamment appliquée afin de protéger les concubins, et de pallier l'absence de régime
matrimonial29.
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26. Cass. soc., 6 nov. 2001, nº 99-40756 : Bull. civ. V, nº 339 ; D. 2002, 767, obs. P. LOKIEC et 987, note G. ROSSI.
27. Cass. 1re civ., 24 sept. 2008, nº 07-11928 : D. 2009, 140, note J.-J. LEMOULAND ; CA Metz, 19 févr. 2009 : JCP G 2009, IV, 1984 ;
Cass. 1re civ., 20 janv. 2010, nº 08-13400 : D. 2010, 325. V., également, F. CHÉNEDÉ, « Pour un affinement de la théorie des quasicontrats au service de la liquidation patrimoniale du concubinage », D. 2010, 718.
28. Cass. 1re civ., 11 févr. 1997, nº 95-13029 : JCP G 1997, II, 22820, note T. GARÉ.
29. En matière agricole existe un mécanisme protecteur tout à fait spécifique appelé la créance de salaire différé : V. D. KRAJESKI,
Droit rural, Defrénois, 2e éd., 2016, nº 371.

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