Contextes - Penser la technique juridique - 183

FrANçOIS COLONNA D'IStrIA

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une méconnaissance, par le prestataire de services d'investissement, des
règles relatives à la remise d'une couverture15. Le motif de cette position
était récurrent : « l'obligation de couverture des opérations sur le marché
à règlement mensuel est édictée dans l'intérêt de l'intermédiaire et de la
sécurité du marché et non dans celui du donneur d'ordre »16. Ce fut donc
par un revirement caractérisé que la Cour de cassation a, par un arrêt
rendu le 26 février 2008, censuré une décision d'appel qui avait pourtant
fait application de cette solution17. C'est précisément dans la lecture de ce
revirement18 que les caractères de l'argument technique et sa différence
structurelle avec d'autres types d'arguments pourront utilement se révéler.
Car il est trois manières différentes de rendre compte par l'argumentation
de ce revirement de jurisprudence.
La première s'appuie sur la moralisation des comportements boursiers
des intermédiaires financiers19. L'attention que ces derniers sont ainsi
invités à porter aux conséquences financières des opérations à terme pour
leurs clients se prolonge dans un argument économique : la sécurisation des
marchés financiers20. en levant tout obstacle à l'engagement de la responsabilité du prestataire n'ayant pas effectué d'appel à couverture, la Cour de
cassation incite les intermédiaires financiers à l'exiger systématiquement
et tente de limiter le nombre d'opérations boursières réalisées à découvert,
comme cela ressort clairement d'une motivation qu'elle a pu formuler21.
un argument économique et un argument moral convergent pour aboutir
au revirement de jurisprudence. Le contraste qu'ils offrent avec l'argument
technique qui suit montrera clairement ses caractéristiques.
L'argument technique prend ici pour base une circonstance apparemment extérieure : l'apparition des ordres avec système de règlement différé
(OSrD) à partir du 25 septembre 200022. en effet, ce nouveau système
emportait interdiction d'exécuter un ordre sans couverture préalable 23,
15. Cass. com., 5 nov. 1991, n° 89-18005, Bull. civ. IV, n° 327, où le décret de 1960 demeurait applicable au regard de la date des faits litigieux ; Cass. com., 8 juill. 2003, n° 00-18941,
Bull. civ. IV, n° 118 ; Cass. com., 18 févr. 2004, n° 02-14311, inédit ; Cass. com., 14 déc. 2004,
n° 02-13638, Bull. civ. IV, n° 221.
16. Cass. com., 8 juill. 2003, n° 00-18941, Bull. civ. IV, n° 118.
17. Cass. com., 26 févr. 2008, n° 07-10761, Bull. civ. IV, n° 42.
18. La Cour de cassation avait déjà opéré un tel revirement, pour ensuite revenir à sa
position classique : Cass. com., 14 janv. 2003, n° 99-20872, inédit.
19. A. Gauberti, obs. sous Cass. com., 8 juill. 2003, JCP G 2003, II, n° 10174, n° 14.
20. A. Gauberti, op. cit., n° 11.
21. Cass. com., 14 janv. 2003, n° 99-20872, inédit.
22. Les arrêts précités portaient sur des faits antérieurs à cette date.
23. Article 2 de la décision n° 2000-4 du 30 août 2000 du Conseil des marchés financiers
relative à la couverture des ordres avec service de règlement différé : « Le prestataire habilité
[...] n'accepte de transmettre ou d'exécuter un ordre comportant le service de règlement et
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