Contextes - Penser la technique juridique - 236

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LA teChNIque Ou L'OuBLI Du DrOIt ?

expliquer que l'œuvre de codification menée par les pouvoirs publics ne
parvient pas à éradiquer de manière notable la complication de notre droit.
tout d'abord, la multiplication des codes est en elle-même un facteur de
complexité. Lorsqu'un droit est compilé dans plusieurs dizaines de codes, il
est difficile de considérer que la codification met un terme au problème de la
dispersion des sources du droit. Il est par ailleurs assez inévitable qu'apparaissent des difficultés de conciliation entre les dispositions des différents
codes69. ensuite, les codifications réalisées sont incomplètes. Non seulement
parce que le travail de codification n'est pas encore achevé ou parce que
certaines normes juridiques en sont exclues, mais aussi parce qu'il est très
fréquent que le législateur continue à légiférer hors du code70. Par ailleurs, si
la codification est censée opérer une stabilisation du droit, cette stabilisation
ne peut être réalisée que si les dispositions codifiées ne sont pas sans cesse
modifiées71. Les malfaçons de ces différentes codifications72 ne vont pas non
plus, évidemment, dans le sens d'une plus grande clarté du droit.
Les autres entreprises de simplification du droit semblent par ailleurs
être destinées à être assez largement vaines, voire contreproductives. tel est
tout particulièrement le cas lorsque la simplification a pour objet le fond
du droit. C'est ce que révèle l'œuvre normative réalisée sous la présidence
de François hollande qui a placé la simplification au centre de son action
69. en outre, « l'inflation normative accroît le goût des codes (et vice versa) » (Ph. yolka,
« La charrue avant les bœufs (remarques sur l'article 79 de la loi d'orientation agricole) »,
Droit rural 2006, Étude 14).
70. Or, la complétude du code est une condition de la mise en ordre du droit qu'il est
censé opérer. C'est ce qu'observe D. Bureau qui relève que visant à « réunir l'ensemble des
dispositions relatives à une matière afin que ses utilisateurs puissent se fier avec certitude aux
informations que le code contient [l'œuvre de codification s'effondre au moindre doute] :
en ce cas, il faudra toujours vérifier si telle ou telle disposition n'est pas demeurée hors
du Code » (V° Codification, in D. Alland et S. rials, Dictionnaire de la culture juridique,
PuF, 2003, p. 230).
71. B. Oppetit écrit ainsi : « La codification exerce normalement une fonction de stabilisation du droit : mais peut-elle exercer sa mission lorsque la matière législative qu'il s'agit
de rassembler est elle-même affectée d'une grande variabilité ? La codification dite à droit
constant peut-elle s'accommoder d'une inflation chronique des lois et règlements ? »
(B. Oppetit, « Avenir de la codification », Droits 1996, n° 24, p. 78).
72. Ces malfaçons peuvent résulter de l'opération de codification elle-même (v. par ex., sur
la question des erreurs de codification et des méthodes utilisées par le juge pour en atténuer
les effets : N. Molfessis, « L'avènement du droit de codification à droit constant », RTD
civ. 2002, p. 597 et s.). Mais évidemment l'œuvre de codification à droit constant si elle
assure un certain toilettage des normes juridiques en vigueur ne permet pas une véritable
clarification du droit, dans la mesure où « elle n'apporte aucun remède aux incohérences
éventuelles du droit existant » (D. Bureau, V° codification... préc.). en outre des modifications postérieures apportées aux textes codifiés peuvent mettre à mal leur intelligibilité
(v. par ex., B. Busson, « L'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme après la loi Macron
ou comment un objectif mal défini accroît l'illisibilité du droit », RDI 2015, p. 560-566 ;
P. Sablière, « Mais où est donc passé le 6e alinéa ? », AJDA 2010, p. 1793).

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