Contextes - Penser la technique juridique - 257

ArNAuD De NANteuIL

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saisisse l'organe de règlement des différends, lequel sera alors tenu de se
pencher sur l'existence ou non d'une pratique de dumping.
Or, comme il transparaît à la seule lecture des accords, cet examen est
précisément de nature économique. en toute hypothèse, il s'agit en effet
d'établir ce que devrait être le prix normal d'un produit, soit par comparaison entre différentes économies, soit par reconstruction à partir de son
coût de production et de vente. Dans un cas comme dans l'autre, ce n'est
pas une affaire de juriste, mais bien d'économiste. Pourtant, la mission
qui est l'essence même de la fonction juridique - juger de la conformité
d'un comportement à une règle - ne peut être accomplie sans cet appel aux
données économiques.
Il n'en va d'ailleurs pas différemment des autres contentieux développés
devant l'organe de règlement des différends, à commencer par celui qui
a trait à l'application de la clause de la nation la plus favorisée. Cette dernière
impose en effet aux États d'accorder un traitement non moins favorable
aux produits importés que celui qu'ils accordent aux produits nationaux
« similaires ». Cette question de la similarité, cruciale pour l'examen juridique puisqu'elle n'est rien de moins qu'une condition d'application de
l'obligation contenue dans la clause, a soulevé d'importantes difficultés et
a donné lieu à une riche pratique de l'OrD qui a permis l'établissement de
critères. Parmi eux, certains sont d'ordre purement matériel (composition
des produits) alors que d'autres sont totalement économiques (classement
tarifaire, goûts et habitudes des consommateurs). Dans tous les cas, leur
examen ne peut donc se passer de quelques connaissances des mécanismes
à l'œuvre dans le fonctionnement d'un marché de marchandises.
Ce ne sont là que deux exemples isolés, mais ils traduisent tous deux
parfaitement la place essentielle qui est celle de l'économie dans le droit de
l'Organisation mondiale du commerce, dont les retentissements pratiques
sont considérables. en outre, la nature particulière de l'OrD semble s'inscrire totalement dans la même logique. Groupes d'experts techniques et
économistes semblent détenir davantage de pouvoir que les juristes, et
cela explique aussi en partie le fait qu'au moment de sa création, la nature
juridictionnelle de cet organe avait été questionnée20. Ce n'est pas ici le
lieu pour revenir sur ce débat, qui pour le coup n'intéressera sans doute
guère au-delà du cercle des juristes. Mais il traduit sans doute au fond
une discussion bien plus profonde, sur la mutation contemporaine des
juridictions. Ces dernières sont en effet caractérisées par leur mission de
dire le droit (juris dictio) de manière obligatoire (imperium). Le problème
de l'OrD vient du fait que sa mission est bien de dire le droit, mais elle ne
20. C. Santulli, « qu'est-ce qu'une juridiction internationale ? Des organes répressifs
à l'OrD », AFDI 2000, p. 58-81.

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