Contextes - Le formalisme - 12

REGARDS CROISÉS SUR LE FORMALISME

seulement requises aux fins de preuve ou d'opposabilité2. Seule la sanction
conduit alors à discriminer le formalisme direct du formalisme atténué : la
nullité pour le premier ; la difficulté, voire l'impossibilité de prouver, ou
l'inopposabilité pour le second3.
Dans des lignes fameuses consacrées au formalisme, Gény opérait quant
à lui une distinction fonctionnaliste en cinq espèces, proposant une définition technique des formes solennelles, probatoires, de publicité, habilitantes
(qui pallient une incapacité d'exercer ses droits, comme la représentation
ou l'assistance de l'incapable), de procédure ou d'exécution (qui protègent
une personne engagée dans un litige ou menacée de voies de contrainte) et
fiscales (qui constituent des exigences extérieures - tel l'enregistrement -
tendant à assurer la perception d'impôts établis à l'occasion des actes
juridiques ou de procédure).
La dogmatique juridique, nourrie par les besoins de l'enseignement et
de la pratique, sème alors la division dans un concept dont on aurait pu
penser qu'il était unitaire. Cette multiplication des qualificatifs, malgré leur
évidente vertu descriptive, tend à enfermer la réflexion des juristes, au point
que certains proposent « de faire comme si le formalisme n'existait pas »4. Il
ne s'agit pas de nier la réalité du formalisme - qui peut être appréhendée,
notamment par ses effets juridiques et économiques - mais de proposer
un regard renouvelé sur un sujet pour le moins rebattu. Tel est l'ambition
de ce livre qui rassemble les actes d'un colloque organisé à l'université de
Pau et des Pays de l'Adour, le 20 octobre 2016.
Dépassant parfois une approche exclusivement technique et dogmatique, les auteurs proposent également une distinction chronologique.
Demogue et Gény ont par exemple tour à tour opéré une summa divisio
entre formalisme « archaïque » et formalisme « moderne » ou « contemporain », devenue un topos de la doctrine civiliste. Demogue opposait
ainsi au formalisme primitif qu'il décrivait comme un « mode de matérialisation des idées », un formalisme moderne qui poursuivrait un objectif
de sécurité5. Gény estimait, de son côté, qu'au « formalisme, instinctif et
symbolique, du début », s'est progressivement substitué « un formalisme
2. Terré F., Simler P. et Lequette Y., Les obligations, 11e éd., 2013, Paris, Dalloz,
n° 150 et s.
3. Une telle conception a reçu une consécration dans le nouvel article 1172 du Code civil,
issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 16 février 2016 : « les formes exigées aux fins de preuve
ou d'opposabilité sont sans effet sur la validité des contrats ». V., infra, la contribution de
Tisseyre S., « Le renouvellement du formalisme en droit commun des contrats ».
4. Dans le présent volume, Fabre A., « Le formalisme en droit du travail ».
5. Demogue R., Les notions fondamentales du droit privé. Essai critique, 1911, Paris,
Rousseau, p. 70.

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