Contextes - Le formalisme - 134

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LES CONTRATS

Et force est de constater qu'aujourd'hui, la chasse à la coquille est devenue
un sport national dans les prétoires de France et de Navarre, juges et avocats
se lançant dans une sorte de jeu des sept erreurs, dont la caution ressort
généralement gagnante, pour peu que sa plume ait flanché sans que le
créancier s'en aperçoive...
Certes, la Cour de cassation a par des arrêts récents22 prôné une lecture
intelligente de ces dispositions en opérant une subtile distinction entre les
erreurs de plume et les erreurs altérant le sens et la substance de la mention,
c'est-à-dire portant sur un élément essentiel permettant à la caution de
mesurer la portée exacte de son engagement. Mais il n'est pas sûr qu'en
pratique, cette jurisprudence apporte une protection efficace aux créanciers.
En premier lieu, il est souvent à craindre que les juges du fond ne choisissent, dans un souci de protection de la partie faible, à savoir la caution, de
s'en tenir à une lecture littérale, misant sur l'absence de pourvoi en cassation
de la part du créancier. De plus, il convient de relever que la distinction
entre ces deux formes d'erreurs est souvent difficile à percevoir. Ainsi,
la Cour de cassation a dans un arrêt récent23 invalidé un acte de cautionnement estimant que l'expression « pour la durée de l'opération garantie
+ deux ans », telle qu'écrite par la caution, n'était pas régulière au sens de
l'article L. 341-2 ancien du Code de la consommation, dans la mesure où
elle n'exprimait pas clairement la durée de l'engagement de la caution,
laquelle doit être « exprimée sans qu'il soit nécessaire de se reporter aux
clauses imprimées de l'acte ».
Enfin et de troisième part, c'est le contenu même de la mention qui
peut être critiqué. En effet, sa rédaction actuelle rend impossible, pour
une personne physique s'engageant à l'égard d'un créancier professionnel
par acte sous seing privé, la conclusion d'un cautionnement illimité dans
son montant et dans sa durée. Si cette limite se conçoit aisément pour les
particuliers, dont il est douteux qu'ils acceptent de consentir un tel engagement à l'aveugle, cette limitation est pour le moins malvenue en matière
de cautionnement consenti dans le cadre professionnel, et notamment par
les dirigeants ou associés d'une entreprise débitrice principale.
Ces dérives sont unanimement dénoncées par la doctrine. Aussi est-il
nécessaire d'y remédier. Pour cela, plusieurs voies peuvent être exploitées.
À court terme, les créanciers peuvent avoir recours à l'acte authentique ou à
l'acte contresigné par un avocat pour s'affranchir de ces contraintes, même
22. Cass. 1re civ., 5 avr. 2012, n° 11-12.515 ; JCP E 2012, 1329, obs. Legeais D. ; RD
bancaire et fin. 2012, comm. 86, obs. Cerlès A., Cass. 1re civ., 10 avr. 2013, n° 12-18544,
Bull. civ. I, n° 74, D. 2013, p. 1707 obs. Crocq P., RD bancaire et fin., 2013, comm. 85,
Legeais D. ; Cass. com., 8 juill. 2014, pourvoi n° 13-20621 ; RD bancaire et fin., 2014, n° 5,
comm. 167, Legeais D.
23. Cass. 1re civ., 9 juill. 2015, pourvoi n° 14-24.287, publication au bulletin à venir.
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