Contextes - Le formalisme - 140

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LES CONTRATS

que dès l'échange des consentements, la propriété est transférée « entre les
parties », sans autre précision relative au transfert à l'égard des tiers.
Au lendemain de la promulgation du Code, Jourdan († 1828) est l'un des
rares auteurs parmi les premiers commentateurs du Code civil à estimer
que le caractère équivoque de la formulation de l'article 1583 du Code
civil soulève des difficultés d'interprétation17. La doctrine majoritaire de
l'époque qui voit, dans l'abandon du formalisme, une avancée majeure
déclare sans ambages, que la vente d'immeuble consensuelle est translative
d'une propriété opposable à tous18. Les juristes français de la première
moitié du xixe siècle sont toutefois nombreux à regretter le caractère parfaitement occulte du transfert consensuel de la propriété immobilière : certains
appellent alors de leurs vœux la mise en place d'un système de publicité
foncière efficace.
À partir des années 1840, les difficultés liées à l'absence de déclaration publique de la vente immobilière, conduisent le pouvoir politique à
réévaluer la nécessité de réformer le régime hypothécaire. Une quinzaine
d'années s'écoulent toutefois entre le début de l'enquête par laquelle le
gouvernement Jean-de-Dieu Soult sollicite l'opinion de la Cour de cassation, des cours d'appel et des facultés de droit sur cette question et la
promulgation d'une loi imposant la publication de tout acte de vente
d'immeubles. Durant cet intervalle de temps, de nombreux acteurs de la
réforme expriment leur crainte d'un bouleversement de l'esprit du Code
civil par la remise en cause du principe spiritualiste. La Cour de cassation
estime ainsi que : « l'intervention indispensable d'un instrument officiel
pour opérer un transport de propriété (...) serait une mesure rétrograde
(...) qui nous ramènerait aux symboles, aux formules, à la tradition ou
occupation manuelle ou corporelle »19.
Au lendemain de la promulgation de la loi du 23 mars 1855 restaurant
la transcription des contrats de vente immobilière, la doctrine s'est donc
17. Jourdan A. J. L., « De l'aliénation, soit totale, soit partielle, du droit de propriété, par
l'effet des conventions ou autres actes entre vifs », Thémis, t. 5, 1823, p. 481-497.
18. Troplong R.-T., De la vente, n° 39 : « D'après les principes du Code Napoléon, le
consentement transfère la propriété, soit entre les parties, soit à l'égard des tiers. La vente, dès
qu'elle est conclue, rend l'acheteur propriétaire ; le vendeur dépouillé ne peut plus conférer
aucun droit sur l'immeuble aliéné : ainsi le veut la bonne foi, dont les inspirations ont servi
de guide à ce système. Ceux qui, dans l'ignorance de la vente, ont traité avec le vendeur
comme avec le propriétaire, n'ont absolument aucun droit à opposer à l'acheteur » (Le droit
civil expliqué suivant l'ordre des articles du code, t. I, 1836, Bruxelles, p. 34) ; Duranton A.,
Cours de droit civil français, t. X, 1844, Paris, p. 411-414, n° 429 ; Toullier C. B. M., Le
droit civil français suivant l'ordre du code, t. VI, 1830, Paris, p. 215-219, n° 206.
19. Observations sur le projet de réforme du régime hypothécaire, Considérations générales,
n° 33, Martin du Nord N., Documents relatifs au régime hypothécaire et aux réformes
qui ont été proposées, t. I, 1844, Paris, p. 116-117).

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