Contextes - Le formalisme - 153

LE FORMALISME DE TRANSCRIPTION

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transcription, le vendeur n'est pas plus titulaire de la propriété que l'acheteur : son pouvoir d'exclure ne s'exerce qu'à l'encontre de certains tiers et
ne lui permet pas de jouir de la chose. La vente immobilière consensuelle
fragmente le pouvoir d'exclure entre le vendeur et l'acheteur. Puisque ce
pouvoir d'exclure est un élément du droit de propriété, il faut admettre que
durant l'espace de temps séparant la vente et la transcription, ce droit n'existe
plus dans son caractère absolu : le droit de propriété est donc susceptible
soit d'être dénaturé, soit de ne plus exister. Enfin, si l'acheteur peut être
privé de sa propriété en cas de revente de la chose par le vendeur, la loi ne
fait que limiter à la marge l'importance du consensualisme en sanctionnant
la négligence du premier acheteur. Faire de ce mécanisme de sanction la
démonstration d'un transfert purement solennel de la propriété témoigne
d'une « conception pathologique de la propriété »62.
Les difficultés rencontrées par la doctrine dans ses tentatives d'offrir une
analyse cohérente de la nature du formalisme de transcription, proviennent
en grande partie du montage complexe produit par la loi. Pour préserver le
principe du consensualisme et la facilité du transfert, le législateur a en effet
tenté de limiter les effets du formalisme de transcription. La loi de 1855
semble avoir créé une propriété divisée, voire des propriétés simultanées :
le vendeur conserve une partie du pouvoir d'exclure, quand l'acheteur
acquiert une propriété qu'il ne peut opposer qu'à certains tiers. Cette
solution n'entre toutefois pas en contradiction avec le Code civil de 1804
qui n'a pas permis l'abandon de toutes les propriétés non exclusives que
connaissait l'ancien droit français63.
transcrite n'existe pas à l'égard des tiers. Elle existe et elle s'impose à l'égard de toute
personne étrangère à l'immeuble, et même de tous acquéreurs ultérieurs de propriété ou
de droits réels qui n'ont pas transcrit ou inscrit leur titre. Et par exemple, il n'est pas
besoin d'avoir transcrit son acquisition pour faire punir un braconnier ou un maraudeur »
(Chaine J., La transcription dans le projet de loi sur la réforme hypothécaire voté au Sénat
le 3 décembre 1908, thèse droit, 1909, Lyon, Legendre, p. 33) ; « Le principe de transfert de
la propriété par le seul consentement serait ainsi ruiné si on admettait que tout intéressé
put se prévaloir du défaut de transcription. L'acquéreur aurait en effet un droit qui ne serait
opposable à personne, sauf à son vendeur : ce droit ressemblerait beaucoup plus à un droit
de créance qu'à un droit réel. Aussi la loi sur la transcription a-t-elle précisé par une formule
plus restrictive les personnes qui ont le droit de se prévaloir du défaut de transcription. Le
transfert de la propriété immobilière s'opère donc en quelque sorte par étapes : du jour de
la vente il est opposable à certaines personnes, du jour de la transcription, à tout le monde. »
(Planiol M., Ripert G. et Picard M., Traité pratique de droit civil français, t. III, Les
biens, 1926, Paris, LGDJ, p. 603-604, n° 625).
62. Gijsbers C., « Évolution contemporaine du droit de propriété en France », loc. cit.,
p. 149.
63. Sur le maintien de propriétés non exclusives postérieurement à la promulgation du
Code civil : Patault A.M., « La propriété non exclusive au xixe siècle : histoire de la dissociation juridique de l'immeuble », RHD, t. 61, 1983, p. 217-237.

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