Contextes - Le formalisme - 176

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L'ENTREPRISE

Le législateur royal intervient dans le contexte du développement d'une
science de la comptabilité, qu'il semble cependant avoir peu prise en compte,
pour se fonder essentiellement sur les pratiques séculaires des marchands.
En effet, la commission de travail connaît bien les usages des marchands,
notamment ceux relatifs à comptabilité, mais beaucoup moins les écrits
théoriques22, d'autant que la doctrine française est, au milieu du xviie siècle,
« en retard par rapport aux auteurs étrangers »23. À la lumière de l'expérience
du commerce reçue par le conseil de réforme, le titre III rend obligatoire la
tenue d'un livre de compte pour tous les négociants et marchands (art. 1er),
mais aussi pour les agents de change et de banque (art. 2) ; obligation que
la doctrine étend à d'autres professions commerciales, tels les courtiers de
marchandises24. Les dispositions de l'ordonnance précisent que ce livre
doit retranscrire « tout leur négoce »25, mais aussi « les deniers employés à
la dépense de leur maison » (art. 1er). Les formalités s'étendent donc au-delà
des seuls échanges commerciaux, ce qui n'est pas sans susciter l'interrogation des commentateurs26, qui s'emploient également à préciser les contours
imprécis des formulations extrêmement générales employées par le législateur. Eux aussi construisent leurs réflexions à partir de la pratique des
affaires.

B. La pratique comptable, référentiel interprétatif
des dispositions législatives
L'ordonnance du commerce de 1673 ne précise que marginalement la
manière de tenir les comptes, dont elle rend pourtant obligatoire la mise
22. De manière générale, le texte de l'ordonnance est très marqué par l'expérience
marchande de Savary ; or, celui-ci ignorait le latin et donc une grande partie des réflexions
doctrinales, v. Hilaire J., « Savary (Jacques) », in Dictionnaire historique des juristes français (xiie-xxe siècle), Arabeyre P., Halpérin J.-L. et Krynen J. (dir.), 2015, Paris, PUF,
p. 917-918.
23. Degos J.-G., Histoire de la comptabilité, op. cit., p. 79.
24. Jousse D., Nouveau commentaire sur l'ordonnance de commerce du mois de mars 1673,
1761, Paris, Debure l'aîné, p. 32 ; Observations sur l'édit de règlement pour le commerce, du
mois de mars 1673, éd. Vandenbossche A., Contribution à l'histoire des sources du droit
commercial. Un commentaire manuscrit de l'ordonnance de mars 1673 (Bibl. nat., coll. Morel
de Thoisy, vol. 465, fol. 280-336), 1976, Paris, Éditions Cujas, p. 41.
25. Concernant les agents de change et de banque, l'article 2 emploie la formule « toutes
les parties par eux négociées ».
26. « Ces deux articles nous donnent le détail de ce que doit contenir un livre journal
et de ce qui en constitue l'essence ; d'après ce détail, on voit qu'il n'est permis d'y rien
obmettre, pas même les deniers employés pour la dépense particulière de la maison. Mais
ce dernier point n'est pas bien scrupuleusement observé, comme étant absolument étranger
au commerce, qui doit être l'objet unique de ces sortes de livres », (Sallé J.-A., L'esprit des
ordonnances de Louis XIV..., t. II, 1758, Paris, Samson, p. 355).

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