Contextes - Le formalisme - 182

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L'ENTREPRISE

plus lourde : la nécessité de faire authentifier les livres de compte par les
autorités publiques. Les formes de cette authentification sont prévues par
l'article 350 :
« Les livres de négociants et marchands, tant en gros qu'en détail, seront
signés sur le premier et le dernier feuillet par l'un des consuls, dans les villes
où il y a juridiction consulaire, et dans les autres, par le maire ou l'un des
échevins, sans frais ni droits ; et les feuillets parafés et cotés par premier et
dernier, de la main de ceux qui auront été commis par les consuls, ou maire
et échevins, dont sera fait mention au premier feuillet. »

La formalité est donc relativement lourde, en particulier pour des
commerçants attachés tant à la souplesse qu'au secret des affaires. Il s'agit
sans doute là de la disposition la plus innovante du titre, laquelle instaure
dans le droit français un formalisme strict pour la tenue de la comptabilité
commerciale. Ce formalisme s'est d'ailleurs maintenu jusqu'à nos jours,
connaissant simplement les adaptations nécessaires à la dématérialisation
des livres de compte51. Dès 1673, le législateur entend garantir la véracité
des comptes et limiter les fraudes, en particulier la tenue d'une comptabilité
parallèle52. Ces formalités cherchent à « donner plus de creance et de force »
aux livres des marchands, comme l'écrit Toubeau53, notamment en ce que
l'ordonnance leur accorde désormais une véritable valeur probatoire.
Les instruments comptables qui respectent les exigences légales peuvent
en effet servir de preuve en cas de litige. Contrairement à l'adage selon
lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même, les formalités posées
par l'ordonnance permettent aux commerçants d'invoquer leur propre
comptabilité pour faire valoir leur prétention ou contredire celle de leur
adversaire. Réciproquement, les livres de compte pourront être utilisés
contre le marchand lui-même. Puisqu'ils sont censés retranscrire fidèlement les opérations effectuées, les comptes constituent un mode de preuve
50. Concernant les « livres des agents de change et de banque », l'article 4 prévoit de même
qu'ils « seront cotés, signés et parafés par l'un des consuls sur chaque feuillet, et mention
sera faite, dans le premier, du nom de l'agent de change ou de banque, de la qualité du livre,
s'il doit servir de journal ou pour la caisse, si c'est le premier, second ou autre, dont sera
fait mention sur le registre du greffe de la juridiction consulaire ou de l'Hôtel de ville ».
51. « Les textes en vigueur précisent en outre que le livre-journal et le livre d'inventaire
sont cotés et paraphés sans frais par le greffier du tribunal de commerce, qu'ils sont tenus
sans blanc ni altération d'aucune sorte mais que des documents informatiques peuvent les
remplacer à la condition d'être identifiés, numérotés et datés dès leur établissement par des
moyens offrant toute garantie en matière de preuve », (Pédamon M. et Kenfack H., Droit
commercial..., op. cit., p. 179).
52. « Cette disposition avoit été établie pour éviter les falsifications et doubles registres,
dont il est arrivé plusieurs fois des exemples », (Jousse D., Nouveau commentaire..., op. cit.,
p. 34).
53. Toubeau J., Institutes du droit consulaire..., op. cit., t. II, p. 54.

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