Contextes - Le formalisme - 187

REMARQUES HISTORIQUES SUR LE FORMALISME COMPTABLE 177

comptables. Daniel Jousse l'affirme sans ambages : « ce défaut d'observation
de la loi a même été autorisé par des arrêts »75. Bien que les instruments
comptables ne soient ni cotés ni signés, ils peuvent être produits en justice
dès lors que les opérations sont reportées chronologiquement, à la suite
et sans blanc, conformément à l'article 5. Toutefois, la preuve ne sera
pas recevable si la mauvaise foi du commerçant est établie. La formalité
imposée par l'article 3 visait en quelque sorte à présumer la bonne foi du
marchand qui aurait fait parapher ses registres. L'avantage n'a pas paru
déterminant au monde des affaires de la fin de l'époque moderne, d'autant
que la monarchie ne disposait pas des moyens nécessaires pour imposer sa
volonté. Le personnel et l'organisation des juridictions consulaires étaient
sans doute insuffisants et les instruments de coercition trop fragmentés. Le
contexte très différent de la codification napoléonienne et de la révolution
industrielle a, en revanche, permis aux dispositions relatives au formalisme
comptable d'être plus effectives au cours du xixe siècle.
Finalement, plutôt qu'un alourdissement du formalisme qui semble
présupposer la mauvaise foi des commerçants, le monde des affaires semble
au contraire réclamer du législateur la confiance dans ses pratiques. Il est
certain qu'au regard de la multiplication des litiges et des faillites dans un
contexte de récession économique76, le législateur - du xviie, du xixe, comme
du xxie siècle - peut avoir du mal à lui accorder cette confiance.
Toutefois, le droit semble ici toucher à ses limites, ainsi que l'illustre
l'exemple du formalisme comptable que l'édit de 1673 n'est pas parvenu
à imposer, malgré la sévérité des dispositions relatives à la banqueroute.
Comme le constate Savary, le droit ne saurait en aucun cas se révéler
« suffisant pour empêcher les faillites qui arrivent sans aucune malice ni
de propos délibéré, et plutôt par l'ignorance, l'imprudence, et l'ambition
des négociants, que par leur mauvaise foi »77. Le droit cède alors le pas à
ce que l'on appelle aujourd'hui le management, c'est-à-dire l'art de bien
conduire une entreprise, qui est l'objet du Parfait négociant. À travers
75. Il ajoute : « Ainsi un journal qui ne seroit aujourd'hui ni signé, ni paraphé, ni cotté,
n'empêcheroit pas un marchand de pouvoir demander ce qui est dû pour une raison de
son commerce, en vertu de journal, si d'ailleurs il est tenu de suite et par ordre de date,
et sans aucun blanc, et si celui qui forme cette demande est d'une probité connue et incapable de supposer des articles faux. Ce défaut de paraphe et de signature ne fait pas non
plus présumer la fraude dans le cas de faillite d'un marchand : on juge qu'il a négligé de se
soumettre à la formalité établie par la loi ; et cette négligence est excusée, quand sa bonne
foi paroît d'ailleurs », Jousse D., Nouveau commentaire..., op. cit., p. 34.
76. La mauvaise conjoncture économique des années 1670 explique en partie le peu d'effectivité de l'ordonnance de 1673, Hilaire J., Introduction historique au droit commercial,
op. cit., p. 68.
77. Savary J., Le Parfait négociant..., op. cit., t. I, p. 240 [25].

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