Contextes - Le formalisme - 254

244

LE PROCèS PÉNAL

théoriques constatées en raison d'interactions particulièrement fortes entre
les principales sources du droit. Les nouvelles règles ont notamment suscité
des difficultés de droit transitoire sans précédent 2 et placé le juge judiciaire dans une position intenable en raison de l'impossibilité d'articuler
les contrôles de conventionnalité et de constitutionnalité3. La garde à vue,
bien loin de n'intéresser que le seul pénaliste, a également mobilisé le théoricien du droit4. Elle a ainsi livré des enseignements au-delà d'elle-même en
conjuguant la plupart des difficultés qui peuvent se présenter lorsqu'une
réforme est inspirée par les droits fondamentaux.
Dans le cadre de l'observatoire de la garde à vue, l'idée d'un formalisme
des droits fondamentaux a été rapidement avancée. Quel sens peut alors
revêtir le mot formalisme appliqué aux droits fondamentaux ? On retrouve
la définition générale du formalisme selon laquelle la validité ou l'efficacité
d'un élément dépend de certaines considérations formelles5. Appliquées
aux droits fondamentaux, les considérations formelles correspondent au
cadre normatif imposé par le respect de ces droits dotés d'une force juridique particulière. L'ensemble conditionne aussi bien l'exercice de certaines
prérogatives que la validité au fond de toute la réglementation juridique.
Cette contrainte formelle du cadre normatif s'est particulièrement illustrée à propos de la garde à vue. Tout d'abord, elle explique le « passage à
l'acte » normatif, tant il semble évident que le renforcement des droits du
gardé à vue ne serait pas intervenu - ou pas si rapidement - sans la pression des droits fondamentaux6. Ensuite, ce sont les contraintes formelles
de la hiérarchie des normes qui permettent de comprendre l'ensemble des
difficultés rencontrées dès les premières applications de la réforme. Inspirée

2. V. not. Pellé S., « La réforme de la garde à vue : problèmes de droit transitoire », AJ
Pénal mai 2011, p. 235 et s.
3. V. not. Matsopoulou H., « Garde à vue : la Cour de cassation partagée entre conventionnalité et constitutionnalité », JCP éd. G., 2010, n° 45-46, p. 2094 et s. et Pellé S., « Le
Conseil constitutionnel, la Cour de cassation et la garde à vue : "dialogue" à l'ombre de
la Cour européenne des droits de l'homme », in Les droits fondamentaux du gardé à vue,
op. cit., p. 99 et s.
4. V. Jestaz P., Marguénaud J.-P. et Jamin C., « Révolution tranquille à la Cour de
cassation », D. 2014, p. 2061 et s.
5. V. Cornu G., Vocabulaire juridique, 11e éd., 2016, Paris, PUF, v° Formalisme. Sur la
conception et le renouveau du formalisme en droit civil, v. également, Flour J., « Quelques
remarques sur l'évolution du formalisme », in Le droit privé français au milieu du xxe siècle.
Études offertes à Georges Ripert, t. I, 1950, Paris, LGDJ, p. 93 et s.
6. V. not. l'importance initiale des arrêts Salduz et Dayanan qui ont révélé la nécessité de
réformer la garde à vue française, CEDH, Gde Ch., 27 novembre 2008, Salduz c. Turquie,
Req. n° 36391/02, JCP éd. G., 2009, I, 104, § 7, obs. Sudre F. ; RPDP 2009, p. 705 et s.,
obs. Gouttenoire A. ; CEDH, 13 octobre 2009, Dayanan c. Turquie, Req. n° 7377/03,
D. 2009, p. 2897 et s., note Renucci J.-F. ; AJ Pénal 2010, p. 27 et s., étude Saas C. ; RSC
2010, p. 231 et s., obs. Roets D.
Contextes - Le formalisme

Table des matières de la publication Contextes - Le formalisme
