Contextes - Le formalisme - 31

LA DICTÉE DU TESTAMENT AUTHENTIQUE

notamment chez François Bourjon († 1751) qui considérait la dictée
comme « étant de l'essence du testament »44.
Nous ne souscrivons pas à cette analyse essentialiste du testament public
telle qu'elle est présentée par la doctrine civiliste contemporaine. Disons
sans détour qu'adhérant aux bases irréductibles de la théorie du droit
positiviste telles qu'elles ont été édifiées au xxe siècle, nous considérons
le droit comme un artefact humain et rejetons par là même toute forme
de droit immuable et idéal. La discontinuité temporelle que nous posons
comme postulat minimaliste, invite alors à reconsidérer cette présentation immuable et essentialiste du formalisme testamentaire. Plus encore,
la méthode historique qui considère le droit comme une technologie du
changement, présente alors un modèle scientifique selon lequel les ordres
juridiques superposent des strates normatives successives, marquées par
d'irréductibles ruptures et révolutions.
Dans une telle perspective, l'approche macro-historique du formalisme
testamentaire proposée dans les lignes qui suivent, vise à sonder les strates
successives du droit romain aux temps présents. Ainsi envisagée dans la
longue durée, l'histoire révèle alors une redéfinition du formalisme romain
(A) et une solennisation progressive des formes testamentaires aux époques
médiévale et moderne (B). Les solennités prescrites par l'article 972 du
Code civil, telle la dictée de ses dernières volontés par le testateur, sont
volontairement reprises par le codificateur aux droits d'Ancien Régime
pour encadrer strictement l'une des prérogatives les plus éminentes de la
propriété (C).

A. L'apparente désolennisation du testament romain
À Rome, le testament est conçu comme un acte de manifestation de la
volonté, de souveraineté et de puissance, confectionné par une personne
en vue de régler le sort futur de son patrimoine45. Le testament romain
44. Bourjon F., Le droit commun de la France, t. II, 1770, Paris, p. 304-305.
45. Sur les formes testamentaires en droit romain, le bibliographie est relativement abondante : pour une synthèse, en langue française, v. Humbert M., « L'acte à cause de mort en
droit romain », in Actes à cause de mort. Antiquité, 1992, Bruxelles, De Boeck Université,
coll. Recueils de la société Jean Bodin pour l'histoire comparative des institutions, t. 59,
p. 131-162 ; v. également les deux volumes de Voci P., Diritto ereditario romano, t. I,
Introduzione. Parte generale, 1960, Milano, Giuffrè et Id., Diritto ereditario romano, t. II,
Parte speciale. Successione ab intestato. Successione testamentaria, 1963 Milano, Giuffrè,
ainsi que les principaux manuels de droit romain : Kaser M., Das römische Privatrecht, t. I,
Das altrömische, das vorklassische und klassische Recht, 1971, München, Beck, p. 678-693 ;
Watson A., The law of succession in the later roman Republic, 1971, Oxford, Clarendon
Press, p. 8-21 ; Girard P. F., Manuel élémentaire de droit romain, rééd. Lévy J.-P., 2003,

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