Contextes - Le formalisme - 56

LA FAMILLE

C. L'esprit de l'article 972 du Code civil
En 1804, le Code civil consacrait trois formes testamentaires reprises
aux traditions méridionale et septentrionale : « un testament pourra être
olographe, ou fait par acte public, ou dans la forme mystique »137. En matière
de testaments, le codificateur napoléonien n'a du reste guère innové, tant le
réemploi des matériaux d'Ancien Régime paraît évident. Lors des discussions devant le Conseil d'État, Cambacérès proposait même, pour certains
détails techniques, de conserver la rédaction de l'ordonnance de 1735138. En
matière testamentaire, la législation royale demeurait en effet le cadre de
référence pour les rédacteurs du code, comme pour les tribunaux d'appel
qui adressaient leurs observations sur le premier projet139. Dans son rapport
fait au Tribunat le 29 avril 1803, Jaubert insistait encore sur le fait qu'aucune
de ces formes testamentaires n'était nouvelle en France : « elles étaient toutes
consacrées par l'ordonnance de 1735 »140. Cette rhétorique lénifiante mobilisée par le tribun Jaubert visait à rassurer ses collègues, lesquels étaient
en effet amenés à se prononcer sur une matière qui, touchant à l'une des
prérogatives les plus éminentes de la propriété, était gouvernée par une
apparente stabilité141.
Le testament authentique est né de la fusion de deux formes testamentaires d'Ancien Régime qu'avait naguère consacrées l'ordonnance de 1735 :
d'un côté, le testament nuncupatif écrit des provinces méridionales et, de
l'autre, le testament solennel des pays de coutumes. Comme le relevait
Bigot de Préameneu dans sa présentation du projet de code au Corps
législatif, le législateur « a pris un terme moyen entre les solennités prescrites par le droit écrit et celles usitées dans les pays de coutume »142. Seul
137. C. civ., ancien art. 969 ; v. la synthèse de Descamps O, « Les formes testamentaires
de l'époque médiévale jusqu'à la période présente en France », loc. cit., p. 70-72.
138. Discussion devant le Conseil d'État, le 19 ventôse an XI, 1er mars 1803 (Fenet P.-A.,
Recueil complet des travaux préparatoires du code civil, t. XII, 1836, Paris, p. 381).
139. V. notamment, les observations des tribunaux d'appel de Bordeaux (23 prairial an IX ;
Fenet P.-A., Recueil, t. III, op. cit., p. 198) et de Grenoble (15 prairial an IX ; Fenet P.-A.,
Recueil, t. III, op. cit., p. 577).
140. Fenet P.-A., Recueil, t. XII, op. cit., p. 603-604.
141. Les premiers commentateurs du Code civil, comme Maleville, ont également relevé
cette apparente continuité entre les solutions retenues par l'ordonnance de 1735 et celles
consacrées par le législateur napoléonien (de Maleville J., Analyse raisonnée de la discussion du Code civil au Conseil d'État, t. II, 1805, Paris, p. 436 et 454).
142. Et d'ajouter : « La liberté de disposer ayant été en général beaucoup augmentée dans
les pays de coutume, il était convenable d'ajouter aux précautions prises pour constater la
volonté des testateurs ; mais en exigeant un nombre de témoins plus considérable que celui
qui est nécessaire pour atteindre à ce but, on eût assujetti ceux qui disposent à une grande
gêne, et peut-être les eût-on exposés à se trouver souvent dans l'impossibilité de faire ainsi
dresser leurs testamens. Ces motifs ont déterminé à régler que le testament par acte public

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