Contextes - Le formalisme - 71

POUR UN FORMALISME RAISONNÉ DES DONATIONS

Les réversibilités d'usufruit au bénéfice d'un cofondateur ou d'un tiers
font également partie des donations qui se surajoutent à la donation principale. Ici encore le doute n'est pas permis. Ce sont des donations de biens
présents, à terme19, et ostensibles même si l'on peut y voir une des applications de la stipulation pour autrui. Mais l'intention libérale est clairement
affichée et son existence apparente l'attrait irrésistiblement dans le domaine
de l'acte notarié solennel, imposant la présence effective du notaire20.
Le domaine nouveau de la solennité trouvera à s'appliquer dans les
donations-partages réalisées entre descendants de degrés différents. La
génération intermédiaire venant à renoncer à tout ou partie des biens à elle
transmis, ne pourra voir cette renonciation recueillie que par acte notarié :
ici encore on ne voit pas par quel support autre qu'une donation ostensible cette renonciation pourrait être portée. L'ensemble constitue, de par
la fiction de la loi, une double donation-partage et l'on comprend bien
que la renonciation porte sur des biens eux-mêmes transmis à titre gratuit
en sorte qu'il existe une double libéralité, même si sur un plan fiscal il est
admis de ne taxer qu'une mutation unique au profit du bénéficiaire final.
Autre champ d'application que la réforme successorale qui nous paraît
réserver à l'authenticité, celui des libéralités graduelles et résiduelles. Il a
cependant été soutenu que la confection d'une clause contenant la charge
de retransmettre pût faire corps avec un pacte adjoint21. Cela nous paraît
éminemment contestable. À l'évidence, la stipulation d'une clause résiduelle ou graduelle sans contrepartie et en faveur d'un second bénéficiaire
constitue une donation ostensible au bénéfice de ce dernier qui ne peut se
réclamer d'aucun formalisme de substitution. Ce n'est pas la tradition qui
est le vecteur de la libéralité seconde, mais bien l'acte qui impose la charge
de retransmettre. Au surplus, peut-on faire valoir que l'article 1048 du Code
civil, qui s'applique aux libéralités graduelles, mais est sans doute transposable aux libéralités résiduelles, pose l'exigence d'un acte pour désigner
le second bénéficiaire. Ceci paraît donc incompatible avec le don manuel
qui existe indépendamment de tout écrit. Un risque patent de nullité pour
défaut de respect des formes posées à l'article 931 du Code civil ferme donc
la voie aux libéralités graduelles ou résiduelles réalisées par pacte adjoint
à un don manuel.
19. Cass. 1re civ., 21 octobre 1997, Bull. civ. I, n° 291, JCP 1997, II, note HarelDutirou I., RTD civ. 1998, p. 721 obs. Patarin J., et 937 obs. Zenati F. ; Cass ch. mixte
8 juin 2007, n° 05-10.727, D 2007, p. 1731, obs. Delaporte-Carré C., RTD civ., p. 605
obs. Grimaldi M.
20. Durand S., « La constitution de la réversion d'usufruit », JCP N, 16 mars 2001, n° 11,
p. 592.
21. Nicod M., J.-Cl. civil Code, art. 1048 à 1056, fasc 10 n° 73, Murat P., « Le choix
du support d'une clause graduelle ou résiduelle », JCP N, 27 avril 2012, n° 17, spéc. n° 31.

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