Contextes - Le formalisme - 84

LA FAMILLE

différents34. Aussi les notaires français sont-ils invités à anticiper le cas
échéant, et dans la mesure du possible, les exigences d'un système étranger
où il est probable voire certain que le mariage déploie ses effets à l'avenir,
ce qui peut par exemple impliquer de faire intervenir deux notaires, ou un
avocat pour chacune des parties en sus du notaire35.

2. Le changement du régime matrimonial
Les juristes français sont accoutumés à raisonner en termes de détermination du régime matrimonial initial - suivant le choix effectué par les
époux ou à défaut de choix - puis éventuellement de modification de ce
régime. La doctrine comparatiste, en revanche, tend à faire jouer le rôle de
pivot au moment de la conclusion de la convention, c'est-à-dire à distinguer les conventions matrimoniales conclues avant et après la célébration
du mariage36. Il convient à l'évidence de voir là l'influence de la common
law puisque le mariage n'y a pas en lui-même d'influence sur les relations
patrimoniales entre époux ; il n'est donc pas question de considérer qu'à
défaut de convention un régime subsidiaire s'applique37. Selon cette logique,
tous les accords entre époux sont appréhendés comme visant à anticiper
le divorce plutôt qu'à organiser la vie du couple, ce qui explique que les
situations de contractants déjà mariés, ou qui n'ont encore que le projet
de se marier, aient pu sembler appeler des réglementations différenciées38.
34. V. cep. Eskenazi D., « Contrat de mariage et prenuptial agreement : une protection
efficace ? », Def. 2015, p. 1237-1242, qui suggère qu'aux États-Unis l'insertion dans le contrat
de mariage d'une clause expresse de choix d'une loi étrangère peut suffire à faire échapper
à certaines exigences formelles de la loi locale.
35. Perreau-Saussine L. et Canalès R., « Les prenuptial agreement et le notaire français », JCP N 2015, Étude, 1225.
36. V. not. Marital Agreements and Private Autonomy in Comparative Perspective, op. cit.,
ainsi que, dans l'ouvrage The Future of Family Property in Europe, Boele-Woelki K,
Miles J. et Scherpe J. M. (dir.), Cambridge - Anvers - Portland (OR), Intersentia ; les deux
contributions de Pintens W., « Matrimonial Property in Europe », p. 19-46, spéc. p. 39, et
de Dethloff N., « Contracting in Family Law : A European Perspective », p. 65-113, spéc.
p. 76. Le principe 4:10 des Principes de droit européen de la famille concernant les relations
patrimoniales des époux ne fait pas référence à la distinction, mais celle-ci est envisagée à
propos des exigences de forme régies par le principe 4:11, v. supra.
37. Scherpe J.-M., « Marital Agreements and Private Autonomy in Comparative
Perspective », loc. cit., p. 460, Dethloff N., « Contracting in Family Law : A European
Perspective », loc. cit., p. 70.
38. Sur l'état de la question aux États-Unis, et notamment le débat sur le point de savoir
si les époux ont l'un envers l'autre, à la différence des fiancés, des devoirs fiduciaires,
v. Ellman I. M., « Marital Agreements and Private Autonomy in the Unites States », in
Marital Agreements and Private Autonomy in Comparative Perspective, op. cit., p. 403-442,
spéc. p. 411-432 ; en Angleterre et aux Pays de Galles, v. Miles J., « England and Wales »,
loc. cit., spéc. p. 96-107.

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