Contextes - Le formalisme - 95

FORMALISME ET CONJUGALITÉ : DE QUELQUES PARADOXES

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toute sa symbolique, le Code Napoléon n'avait pas lésiné sur les formalités
préparatoires qui devaient être respectées. Le système de publicité était d'un
pointillisme extrême pour mettre au jour le moindre empêchement et pour
permettre à l'officier de l'état civil d'exercer son contrôle quant au respect
des conditions de fond. L'objectif était aussi de permettre à tous ceux qui
auraient connaissance d'un empêchement de le signaler à l'officier de l'état
civil ou de former opposition au mariage.
À l'usage, ce formalisme pesant a également révélé de sérieux inconvénients, principalement celui de détourner du mariage une partie des
candidats potentiels, rebutés par trop de contraintes matérielles et financières. À partir du début du xxe siècle, le législateur s'est donc engagé dans
un allégement tous azimuts, si ce n'est des formalités de la célébration ellemême, du moins de toutes les formalités préparatoires17. Des possibilités
de dispense de publication et/ou d'affichage ont été prévues et progressivement élargies18. Il n'est guère que l'exigence d'un certificat médical
prénuptial qui est venue s'inscrire à contre-courant de cette évolution
libérale, mais l'époque à laquelle elle a été introduite en éclaire les raisons19.
Les temps ont changé. Ce n'est plus tant l'état de santé des futurs époux
qui préoccupe les pouvoirs publics, que la lutte contre les mariages de
complaisance et les mariages forcés. La peur suscitée par cette illégitimité moderne a engendré une avalanche de textes qui n'ont eu de cesse de
renforcer les formalités existantes ou d'en créer de nouvelles lorsqu'elles
n'existaient pas, pour tenter de lutter contre ce fléau, sans même l'avoir
vraiment mesuré. Qu'on en juge : copie intégrale de l'acte de naissance de
chacun des époux20, identification précise des témoins21 et confirmation de
cette identité avant la célébration22, audition des futurs époux23. Certaines
17. Levy E., « De la publication du mariage », RTD civ. 1912, p. 907 ; Capitant H., « De la
simplification des conditions et formalités exigées par le Code Napoléon pour le mariage »,
Rev. crit. législ. et jur. 1930, p. 31.
18. Lamarche M. et Lemouland J.-J., Rep. civ. Dalloz, V° Mariage, 2° conditions de
formation, n° 411 et s.
19. L. 16 déc. 1942 et ord. n° 45-2720 du 2 nov. 1945.
20. C. civ., art. 70, mod. L. 14 nov. 2006 ; mais la loi du 18 novembre 2016 dite de modernisation de la justice du xxie siècle revient sur cette exigence en se satisfaisant d'un simple
extrait avec indication de la filiation, comptant sur la possibilité de vérification auprès du
dépositaire de l'acte de naissance du futur époux et sur la mise en place d'une procédure
dématérialisée (C. civ., art. 101-1 mod. L. 18 nov. 2016).
21. C. civ., art. 63, et décr. 10 mai 2007
22. C. civ., art. 74-1, mod. L. 14 nov. 2006
23. C. civ., art. 63 mod. L. 14 nov. 2006. Cette procédure d'audition n'est pas sans rappeler
l'enquête canonique inscrite en 1917 dans le code de droit canonique. On note que l'audition
constitue le principe et que par exception, l'officier de l'état civil peut ne pas y procéder si
cette audition ne lui semble pas nécessaire au regard des articles 180 (risque de consentement
forcé) et 146 (risque de défaut d'intention réelle) du Code civil. Et l'on ne ménage pas les
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