Bibliothèque de droit social - Les juges de l'activité professionnelle sportive - Tome 68 - 549

LA PRISE EN COMPTE PAR LE TAS DE LA SPÉCIFICITÉ SPORTIVE 527 Maintes fois décrite282, la démarche des arbitres est aujourd'hui bien connue. Elle consiste globalement en la consécration et/ou l'utilisation de principes généraux afin de juger de la validité des règles sportives, afin de les interpréter, voire de combler leurs lacunes283. Une sentence du TAS illustre parfaitement cette idée. Il y est énoncé que « le droit du sport a développé et consolidé, au long des années, particulièrement à travers le traitement arbitral des litiges, un ensemble de principes de droit non écrit, une sorte de lex mercatoria pour les sports, que les fédérations sportives nationales et internationales doivent respecter »284. Parmi une terminologie extrêmement variée285, il est traditionnellement fait état de deux types de principes généraux. 766. D'un côté, il y a des principes connus des droits étatiques que le TAS applique avec peu de difficultés, sans qu'ils soient d'ailleurs forcément tirés d'un droit national identifié. Communs aux ordres juridiques des États et du sport, ils concernent principalement l'administration de la justice au sein des institutions sportives et devant le TAS et, en particulier, le contentieux disciplinaire. D'origine majoritairement « publique »286, ceux qui sont habituellement cités en exemples sont le principe du « respect des droits de la défense » (et l'ensemble des principes plus restreints qui en découlent287), le principe de non-rétroactivité, les principes de loyauté et de bonne foi, le principe de légalité, ou encore le principe de proportionnalité288, 282. V. not. É. Loquin, L'utilisation par les arbitres du TAS des principes généraux du droit et le développement d'une lex sportiva, in The Proceedings before the court of Arbitration for sport, colloque CAS 2006, (éd.) A. Rigozzi et M. Bernasconi, Éditions Weblaw, Berne, 2007, pp. 85-108 ; A. Rigozzi, L'arbitrage international en matière de sport, Bruylant, LGDJ, Helbing & Lichtenhahn, 2005, n° 1270 et s., pp. 643 et s. ; C. Chaussard, Les voies de règlement des litiges sportifs, Essai sur la coexistence des différentes formes de justice, thèse dactyl., Dijon, 2006, n° 745 et s., pp. 530 et s. ; F. Latty, La lex sportiva, Recherche sur le droit transnational, Martinus Nijhoff Publishers, 2007, pp. 301 et s. ; M. Maisonneuve, L'arbitrage des litiges sportifs, LGDJ, coll. Bibl. de droit public, t. 267, 2011, n° 905 et s., pp. 372 et s. ; G. Raybu, L'organisation du sport par le contrat. Essai sur la notion d'ordre juridique sportif, PUAM, coll. Centre de droit du sport, 2010, n° 729 et s., pp. 517 et s. 283. Ainsi que le souligne un auteur, « plus les règlements sont mal faits, plus les arbitres s'appuient sur les principes généraux du droit », G. Kaufmann-Kohler, Nagano et l'arbitrage ou vers une justice de proximité, Bull. ASA, 1998, p. 319. 284. TAS, 20 août 1999, n° 98/200, AEK Athènes & SK Slavia Prague c./ UEFA : Rec. TAS II, p. 38. 285. V., pour des exemples des multiples terminologies employées par le TAS, F. Latty, thèse préc., p. 302. 286. F. Latty, thèse préc., p. 320. 287. V., sur ce point, les multiples exemples et références cités par Mathieu Maisonneuve dans sa thèse de doctorat, thèse préc., n° 909, pp. 373-376. V., par ex., pour le principe du contradictoire, TAS, 10 sept. 1992, n° 92/63, G. c./ FEI : Rec. TAS I, p. 111 ; JDI, n° 1, 2001, p. 302, obs. É. Loquin : pour qui un tel principe « est un principe transcendant à l'ensemble des ordres juridiques étatiques. L'appel aux principes généraux du droit, qui est constant dans les sentences du TAS, témoigne de la volonté des arbitres de fonder leurs solutions sur des principes juridiques transnationaux. Ceux-ci sont alors incorporés dans la lex sportiva internationale. Le même phénomène a été constaté dans l'arbitrage commercial international. La lex mercatoria a ainsi incorporé les principes généraux du droit constatés sur le fondement de l'analyse comparative des systèmes juridiques », spéc. p. 305. 288. V., par ex., TAS, 22 avr. 1996, n° 95/141, Chagnaud c./ FINA : sans se référer à un texte juridique. TAS, 11 mai 2000, n° 99/A/246, McLain Ward c./ FEI : Rec. TAS II, p. 514, § 31 : il est « largement admis en tant que principe général de droit du sport que la sévérité des sanctions doit être proportionnée à la gravité de l'infraction » ; TAS, avis du 21 avr. 2006, n° 2005/C/976 & 986, FIFA et AMA, § 139 : « une longue série de décisions du TAS [avait] développé le principe de proportionnalité dans les affaires sportives. Le principe prévoit que la sévérité de la sanction doit être proportionnée à l'infraction commise ». « Il est justifié par le désir des arbitres d'assurer l'égalité de traitement des sportifs disciplinairement pour dopage et pas simplement par volonté pondératrice », J.-P. Karaquillo, Les principes fondamentaux propres à la lex sportiva, Jurisport, n° 127, 2013, p. 40.

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