Systèmes Perspectives - Achat public et économie des territoires - 1re - 33

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C. La langue : la « clause Molière »
La langue peut constituer un obstacle majeur à l'accès d'entreprises
étrangères, comme l'illustre l'exemple du Japon9.
En France, les contrats administratifs doivent être rédigés en langue
française (loi Toubon), mais rien n'impose que le personnel employé à
l'exécution du contrat maîtrise le Français. Cela peut-il être imposé par le
contrat ?
La commune d'Angoulême a considéré que c'était possible en insérant
une clause relative aux Obligations du titulaire relatives à l'usage du français
sur le chantier, selon laquelle « afin de garantir la sécurité des travailleurs et
visiteurs sur le chantier, ainsi qu'une parfaite compréhension des directives de
la direction technique des travaux, l'ensemble des ouvriers présents sur le
chantier devra comprendre et s'exprimer en français »10. Si cela s'avère
impossible, le titulaire doit fournir un interprète à ses frais.
Une clause similaire a été reprise par les conseils régionaux des Hautsde-France (anciennement Nord-Pas-de-Calais-Picardie), des Pays de la
Loire et du Centre, par les villes de Bourges et de Vienne11. Elle l'a aussi
été, début 2017, par une délibération du conseil régional d'AuvergneRhône-Alpes et par une délibération du conseil régional d'Île-de-France,
dont le préfet a dans les deux cas signalé l'illégalité.
Cette illégalité a également été critiquée par Marianne Thyssen,
commissaire à l'emploi européenne, dans un entretien au Parisien (19 mars
2017) : « Sur le plan juridique, je pense que cette clause est une discrimination
contraire à législation européenne. Ce n'est pas par un repli sur soi que l'on
peut régler les problèmes de l'emploi ».
De leur côté, des parlementaires ont, sans succès, tenté en 2016
d'instaurer une obligation légale de faire usage du français sur les
chantiers12. Ces amendements ne concernaient que les entreprises
employant des salariés détachés. Est détaché le « salarié d'un employeur
régulièrement établi et exerçant son activité hors de France et qui, travaillant
habituellement pour le compte de celui-ci, exécute son travail à la demande de
cet employeur pendant une durée limitée sur le territoire national », ce qui
signifie que les amendements Molière ne visaient que les entreprises
étrangères, alors que les entreprises françaises emploient aussi des
salariés de langue étrangère. Une telle mesure générale aurait donc un
caractère discriminatoire qui l'invaliderait.
9. EU-Japan Center for industrial cooperation and Minerva, Government Procurement in Japan
Obstacles and opportunities for European SMEs, mars 2014, cdnsite.eu-japan.eu/sites/default/
files/publications/docs/public-procurement-japan-report_2014.pdf.
10. Voir B. FLEURY « Commande publique : clause Molière versus #TeamJuncker », JCP A, 2016, 622.
11. T. FORRAY « La "clause Molière" dans les marchés publics est-elle possible ? », www.
achatpublic.info/actualites/commentaire/2016/05/24/l.
12. Cf. L. ROBERT « Molière, les marchés publics et le travailleur détaché », JCP A 2017. 2047.

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