Grands Colloques - L'attractivité du droit français des sûretés réelles - 171

DIX ANS APRÈS : L'HYPOTHÈQUE IMMOBILIÈRE REVIVIFIÉE ? 167

l'option successorale, concurrence des droits du conjoint survivant sur
le logement hypothéqué, hypothèse du legs du bien grevé du prêt viager
hypothécaire16). Autant d'incertitudes propres à décourager les établissements bancaires à s'insérer dans ce nouveau marché.
6. Les chiffres sont du reste éloquents. Seule une banque s'est lancée
dans l'aventure pour quelque sept mille contrats signés en dix ans17 contre
plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires écoulés chaque année dans les
pays anglo-saxons18. On a certes fait valoir que la proportion croissante
des personnes âgées dans la population (les premiers baby-boomers atteindront 75 ans d'ici 2020) et les difficultés à financer leurs besoins dans un
contexte budgétaire contraint pourraient changer la donne dans les années
à venir19. Espérons, au contraire, que le financement public des besoins des
« séniors » (retraites par répartition, sécurité sociale, allocations diverses de
l'État et des collectivités locales...), couplé le cas échéant à des dispositifs
de prévoyance (assurance-vie et assurance-dépendance), maintienne le prêt
viager hypothécaire dans le rôle marginal qu'il occupe actuellement, celui
d'un dernier recours...

B. L'hypothèque rechargeable
7. De prime abord, le mécanisme était séduisant et pour le moins
ingénieux puisqu'il permettait au propriétaire qui hypothèque une
première fois son bien de réutiliser cette sûreté, à moindre frais, en garantie
de crédits successifs qui ne sont pas mentionnés dans l'acte constitutif
(C. civ., art. 2422). Cela en faisait une sûreté à la fois écologique, car l'hypothèque devient recyclable, et économique car les réutilisations successives
ne donnent pas lieu au paiement de la taxe de publicité foncière, acquittée
une fois pour toutes lors de la constitution initiale20.
Soucieux de diffuser au plus vite cette nouvelle variété de sûreté, les
pouvoirs publics avaient d'ailleurs fait preuve d'une générosité peu
16. Pour des développements plus poussés, v. notre étude : « L'insuccès du prêt viager
hypothécaire », art. préc., n° 9 s.
17. Rapp. Sénat 2015, n° 263, Tome I, p. 122.
18. V. sur ce point, l'étude très fouillée de L. Assier-Andreu et A. Gotman, Réversion
du principe du logement humain. Chronique du prêt hypothécaire inversé, CNRS, janv.
2009, spéc. p. 117 s.
19. N. Pécourt, « Les réponses apportées par le prêt viager hypothécaire face aux enjeux
du vieillissement de la population », JCP N 2014, n° 45-46, 1330.
20. Cette sûreté, conçue comme une enveloppe de crédit réutilisable, rompt donc avec
le sacro-saint principe de spécialité et pourrait, pourquoi pas, inspirer le législateur européen dans son projet d'élaboration d'une euro-hypothèque que, précisément, les instances
européennes conçoivent comme détachable du crédit garanti.

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