Droit et Économie - La petite entreprise - 129

LA PETITE ENTREPRISE ET LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE 129

De ce point de vue, et conformément aux courants jurisprudentiels sur la question, on peut se demander s'il convient d'écarter du champ d'investigation le
savoir-faire. En effet, et alors même que le savoir-faire ou le secret de fabrication peuvent présenter un avantage économique considérable16, la tendance
est de refuser à ces productions de l'esprit la protection de l'un ou l'autre
régime prévu par le Code de la propriété intellectuelle. On s'interroge notamment sur la question de savoir si le savoir-faire est un bien appropriable, alors
même qu'il représente une valeur économique. Ainsi, s'agissant des choses
incorporelles, « la propriété est l'exception et l'usage commun la règle »17,
car lorsqu'elle porte sur des biens corporels, « l'exclusivité juridique se matérialise par l'emprise physique exercée sur l'objet du droit » tandis que
« pareille emprise physique est exclue s'agissant d'objets incorporels : on ne
peut matériellement se réserver l'accès intellectuel à une connaissance. »18
Cette idée couplée au principe général de non-protection des idées par un
monopole de propriété intellectuelle conduit une grande majorité de la doctrine à écarter de la propriété le savoir-faire19. C'est également l'avis de la jurisprudence qui, exclut le savoir-faire de toute propriété, aussi bien du droit
d'auteur20 que du droit des brevets d'invention21. Or, un nombre important
de petites entreprises n'existent que sur un savoir-faire. Tel est le cas des artisans pâtissiers ou boulanger qui doivent leur succès à telle recette gardée
secrète faute de pouvoir se prévaloir d'un droit privatif efficace, bien que

16. Précisément, trois conditions doivent être réunies selon l'article 39 de l'ADPIC pour que des
informations constitutives de savoir soient protégées : a) être secrètes, en ce sens qu'elles ne
sont pas généralement connues de personnes appartenant aux milieux intéressés, ni ne leur
sont facilement accessibles, dans leur globalité ou dans la configuration et l'assemblage exact
de leurs éléments ; b) avoir une valeur commerciale due à leur caractère secret ; c) avoir fait
l'objet, de la part de la personne qui en a licitement le contrôle, de dispositions raisonnables
compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrètes.
17. Mousseron J.-M., « Valeurs, biens, droits », in Mélanges en hommage à André Breton et Fernand
Derrida, 1991, Dalloz, p. 281.
18. SCHMIDT-SZALEWSKI J., « Savoir-faire », Rép. dr. com. Dalloz, nº 23.
19. SCHMIDT-SZALEWSKI J., ibidem, nº 24.
20. Ainsi, selon la Cour de cassation, « La fragrance d'un parfum, qui procède de la simple mise
en œuvre d'un savoir-faire, ne constitue pas (...), la création d'une forme d'expression pouvant bénéficier de la protection des œuvres de l'esprit par le droit d'auteur » : Cass. 1re civ.,
13 juin 2006, Bull. civ. I, nº 307 ; D. 2006. 2470, note EDELMAN B., JCP G 2006, II, 10138, note
POLLAUD-DULIAN F., JCP G 2006. I. 162, nº 5, obs. CARON C., Propr. intell. 2006, comm. 21, p. 422,
note LUCAS A., RTD com. 2006. 587, obs. POLLAUD-DULIAN F., Propr. ind. 2006, comm. 10, p. 41,
note SCHMIDT-SZALEWSKI J.
21. L'article L. 611-10, 2º c) CPI exclut expressément les méthodes de la brevetabilité. Ainsi, les
méthodes de commercialisation, d'organisation du travail, de comptabilité ou encore de gestion financière exclues de la brevetabilité. Voir : MOUSSERON J.-M. (†) et SCHMIDT-SZALEWSKI J.,
« Brevet d'invention », Rép. dr. com. Dalloz, nº 43.
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