Droit et Économie - La petite entreprise - 134

134 LA PETITE ENTREPRISE

une interprétation personnelle d'une œuvre de l'esprit42. Or l'interprétation est un véritable acte créatif, et l'on peut souscrire à l'idée
nietzschéenne43 selon laquelle « une chose qui existe ou qui a pris forme
d'une manière ou d'une autre est toujours interprétation d'une façon nouvelle par une puissance supérieure qui s'en empare, la réélabore et la transforme en l'adaptant à un nouvel usage »44. Sur le plan juridique la même
idée est soutenue par Kelsen, car « le choix entre les différentes solutions
possibles correspond à une démarche de la volonté et non de la connaissance ; il ne s'agit pas d'un acte de science du droit, mais d'un acte de politique juridique, de création de droit »45. Et c'est cela l'interprétation, le
choix entre plusieurs sens différents d'un même texte, d'une même
œuvre, choix rendu possible par la liberté laissée à l'interprète.
Une personne morale pourra certes être titulaire des droits d'auteur ou des
droits de l'artiste-interprète, mais pas à titre originaire, du moins en principe : il lui faudra en faire acquisition auprès de l'auteur ou de l'interprète
personne physique. Une exception concerne toutefois les œuvres
collectives46 et les logiciels créés par des salariés dans l'exercice de leurs
fonctions47 : dans ces deux cas, la personne morale peut être investie à
titre originaire des droits de propriété intellectuelle, mais la loi ne lui
confère pas pour autant la qualité d'auteur.

B. La propriété industrielle
On pourrait penser que la situation est différente en matière de propriété
industrielle. En effet, la logique de cette branche de la propriété intellectuelle est que les droits appartiennent ab initio au premier à en faire la
demande. La règle s'explique en ce que la protection par le droit n'est
acquise qu'en raison d'un titre délivré par l'État, et non du seul fait d'avoir
créé comme c'est le cas en droit d'auteur48. Cette solution du prior claim
42. Jurisprudence constante depuis Cass. soc., 10 février 1998, Bull. civ. V, nº 82 ; D. 1998, IR,
p. 73 ; Légipresse 1998, nº 153, III, p. 101 ; VIVANT M. (dir.), Les Grands arrêts de la propriété intellectuelle, 2004, Dalloz, p. 198 et s., obs. PESSINA-NISSARD S. Voir également Cass. 1re civ.,
24 avril 2013, Bull. civ. I, nº 86.
43. MANICKI A., « Nietzsche et la radicalisation de l'interprétation », Tracés. Revue de Sciences humaines
[En ligne], 4/ 2003, URL : http://traces.revues.org/3823 ; DOI : 10.4000/traces.3823.
44. NIETZSCHE F., La Généalogie de la Morale, Gallimard, 1989, « La faute », « La mauvaise conscience », § 12.
45. AMSELEK P., « L'interprétation dans la Théorie pure du droit de Hans Kelsen », in Le rôle de la
volonté dans les actes juridiques. Études à la mémoire du Professeur Alfred Rieg, 2000, Bruxelles, Bruylant,
p. 33-66.
46. CPI, art. L. 113-7.
47. CPI, art. L. 113-9 al. 1er.
48. CPI, art. L. 111-1. Et ce même si l'œuvre est inachevée, CPI, art. L. 111-2.
http://www.45.Et http://traces.revues.org/3823
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